Le Martinisme Dévoilé...
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ROSE-CROIX ET MARTINISTES
z LE MARTINISME des origines a nos jours
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KABBALE E? MARTINISME la voie du coeur
ORDRE MARTINISME TRADITIONNEL entretien avec le Souverain G ran d M aitre
BELGIQUE : 7,00 € / LUXEMBOURG : 7,00 € / DOM : 6,20 € / SU ISSE: 11,00 CHF CANADA: 8,25 CAD / GRECE : 7,00 € / PORTUGAL CONT.: 7,00 €
SOMMAIRE
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■ Editorial: Qu'est-ce que le Martinisme ? p. 3.
US Le processus d'individuation : selon Jung, ce processus est le fondement de la realisation du Soi et correspond a une loi qui ceuvre dans I'univers, dans la nature et dans I'homme lui-meme. p. 37.
■ Introduction : comme toute societe initiatique, le Martinisme puise ses origines dans des elements mythiques et historiques. En creant I'Ordre Martiniste vers 1889, Papus et Augustin Chaboseau firent renaitre de ses cendres une tradition ancienne. p. 4.
S De la Genese au prologue de I'Evangile de Jean : la premiere page de la Genese presente la vision sacerdotale de la Creation, et la premiere page de I'Evangile de Jean se rapporte au mystere de leschouah, Grand Architecte de I'Univers. p. 40
■ L'Ordre des Chevaliers Masons Elus-Cohen de TUnivers : c'est dans ce mouvement majeur de rilluminisme que le Martinisme trouve ses origines. Appele plus simplement « Ordre des Elus-Cohen », ce rite ma^onnique plongeait ses racines dans le judeo-christianisme. p. 5.
■ L'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix : presentation par Serge Toussaint, Grand Maitre de I'O.M.T. et de I'A.M.O.R.C. pour la juridiction francophone, p. 44.
■ L'Ordre Martiniste a la Belle-Epoque (1889 a 1918): a la fin du XIXe siecle, deux etudiants en medecine, Gerard Encausse et Augustin Chaboseau, decouvrent qu'ils sont depositaires d'une initiation remontant aux disciples de Louis-Claude de Saint-Martin. p. 11.
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© ; LHISTOIRE
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■ Le Martinisme moderne et ses obediences (1920 a 2 0 1 0 ): comme la Rose-Croix et la Franc-Magonnerie, le Martinisme reste une tradition tres vivante. Elle est representee de nos jours par deux mouvements m ajeurs: I'Ordre Martiniste Traditionnel et I'Ordre Martiniste. p. 15.
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■ Louis-Claude de Saint-Martin (sa vie, son ceuvre): le Martinisme se rattache a la vie et a I'oeuvre de celui qui fut connu egalement sous le pseudonyme de « Philosophe Inconnu », considere comme I'un des plus grands esprits de son epoque. p. 21.
■ Le Martinisme : un esoterisme, une theosophie, une gnose : esoterique en raison de son origine traditionnelle, theosophique de par la quete de sagesse qui le sous-tend, gnostique au regard de ses liens avec le Christianisme primitif, le Martinisme est une voie de connaissance complete, p. 26.
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■ Kabbale et Martinisme : tout comme la Kabbale, le Martinisme est une voie cardiaque, une voie de realisation spirituelle menant a la connaissance de soi et du monde divin. p. 29.
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■ Entretien avec Christian Bernard, Souverain Grand Maitre de I'O.M.T., p. 32
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Actuellement en vente
Actualite de I Histoire mysterieuse est une revue des editions Dametalaises siege social: 9 gnutde rue - 89150 Fouchcres Tel. : +33 (0)3 86 88 89 63 -fax +33 (0)1 79 73 65 42 E-m ail: edito& attualite-ltistoire.org w»!•«•.actualite-hixtoire. net denim . Directeurde la publication : Jean-ljuc Gam ier Redacteurs en chef: Guy Iws Baux el Eric Gam ier Secretaire general des redactions des Editions Darnetalaises : Jean-1Jtc Gam ier Principallx associes : J. Gosselin. V A llan!. L Dumarcet etArtes Media ISSN 1951 -195 hors-serie de 1249-948X Commission paritaire 0410 K 84623 Ixi Redaction n 'assume pas la responsabilitf des opinions emises sous leur signature par les auteurs. Ixs litres, inter litres et presentations des articles, sont de la redaction. Im reproduction, mcme partielle. des articles He pent etrefaite qu’avec autorisation ecrite et sous resen e de mentionner toutes references utiles. Les m anuu rits non inseres ne sont pas reitdus. Mise en pages; Marie-Laure Daudet Im pnm een Fnince par : ETC 76190 Sainte-Marie-des-Champs Depot leg al: junvier 2010 Ont participr a la redaction de ce numero : Christian Rehisse, Un Martiniste anonynte, Guy Eyhembide, Huguette Lefort. Jean Massengo. Michel Annengaud. Seige Toussaint. Une interview de Christian Bernard. Iconogniphie O.M.T., archives des auteurs, collections ptirticulieivs- droits resen ts.
S Le Temple de Salomon : dans ses aspects historique et symbolique, il est une reference commune aux Martinistes et aux FrancsMagons. p. 35
Carnet d Uidnesses: O.M.T., chateau d'Om onville. 27110 Le Tremblay Tel. 33 (0) 2.32.35.4L28 Fax : 33 (0) 2.32.35.66.03 Internet: www.inartinisie.org C ourriel: a moit & rose-croix.org Photos de cotiverture Montage centnil: portm it de Saint Martin -dessin de Simonetta Saenger (document O.M.T.) :fo n d un temple martiniste (document O.M. T.) Vignettes: Sceau des Elus-Cohen (document O.M .T.); arcane du tableau nature! dessin de M arcel Dupre (document O.M.T.) : I ’Illum ination par le cam: illustiution extmite d'Emblemata (1630). de D aniel Cnimer (document O.M.T.)
EDI TORI AL
Qu'est ce que le Martinisme ? Lorsque I'on evoque I'esoterisme occidental, on pense generalement a la Rose-Croix et a la Franc-Magonnerie, dont les origines historiques remontent respectivement au XVII*™ et au XVlUeme siecles. Consideres jadis comme des societes secretes, ces deux mouvements traditionnels, auxquels « Actualite de I'Histoire » a deja consacre des numeros speciaux, ont perdure a travers le temps et existent toujours sous des appellations diverses.
I Saint-M artin - dessin de Sim onetta Saenger (O .M .T.)
Mais il y a en Occidentun troisieme courant esoterique, moins connu que les deux precites, a savoir le Martinisme. Historiquement, ce courant remonte a Louis-Claude de Saint-Martin, philosophe frangais du XVIUime siecle, connu sous le pseudonyme de « Philosophe Inconnu », et auteur de plusieurs livres d'inspiration judeo-chretienne.
Comme c'est le cas pour la Rose-Croix et la Franc-Magonnerie, le Martinisme a su sauvegarder et perpetuer un heritage traditionnel, et se presente de nos jours sous I'aspect de mouvements divers, certains etant plus legitimes que d'autres au regard de I'authentique Tradition martiniste. II nous a done semble interessant de consacrer ce hors serie a une etude non exhaustive de I'histoire et de la pensee martinistes, d'autant qu'elles suscitent toujours un grand interet chez les chercheurs interesses par I'esoterisme occidental. Dans cette etude, I'accent sera mis plus particulierement sur I'Ordre Martiniste Traditionnel, considere de nos jours comme le mouvement martiniste le plus actifdans le monde.
Pensees de Louis-Claude de Saint-Martin : « C'est un grand travail que de chercher a nous connaitre tels que nous som m es; mais il f aut ensuit e travail Ier a nous connaitre tels que nous devrions etre. Ces deux sciences sont liees et doivent continuellement nous occuper. Une troisieme science vient apres ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C'est qu'apres avoir appris a connaitre ce que nous devrions etre, ilfaut trovailler sans relache a le de/enir. » (Livre vert, n° 993.) « La science est pour le t em porel; I'amour est pour Ie divin. On peut se passer de la science, mais non de I'amour, et c'est par I'amour que toutfinira, parce que c'est par I'amour que tout a commence et que tout existe. » (Livre vert, n° 415.) « Primitivement, la tete devoit etre reglee par le coeur; elle ne devait servir qu'a I'agrandir. Aujourd'hui, la tete de I'homme regne sur son c ceur, tandis que c'est au coeur que le sc eptre
devait appartenir. C'est-a-dire que I'amour est superieur a la science, attendu que la science ne doit etre que le flambeau de I'amour, et que le flambeau est inferieur a celui qu'il eclaire. » (Livre vert, n° 58.) « Pour notre avancement personnel dans la vertu et la verite, il suffit d'une seule qualite, qui est I'amour; pour y p ire avancer nos semblables, il en fa u t d eu x: I'amour et /'intelligence; pour accomplir I'oeuvre de I'homme, il e n fa u t tro is: I'amour, I'intelligence et I'action. Mais I'amour est toujours la base et le foyer principal. » (Livre vert, n° 178.) « L'abus de la parole produit la nullite de la parole, et la retenue de la parole produit la fo rce de la parole. La parole avait ete donnee a I'homme poursa rehabilitation, et il ne I'emploie qu'a se corrompre, ou a s'affaiblir e t se rendre nul. » (Livre vert, n° 419.)
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DOSSIER_______________
Introduction
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Pantacle m artiniste de I'O.M .T.
En creant I’Ordre Martiniste vers 1889, Papus et Augustin Chaboseau faisaient renaitre de ses cendres une tradition reduite au sommeil depuis les annees 1824. Cet Ordre est souvent associe a l'occultisme de la Belle Epoque, e'est-a-dire a un esoterisme qui « sent un peu le soufre ». Les enormes volumes de Papus, consacres a la magie et aux sciences occultes. ont certes beaucoup contribue a laisser cette image s'imposer. Mais le Marti nisme est-il vraiment cela ? Et d'oii vient-il ? Comme toute societe initiatique, le Martinisme puise ses origines dans des elements mythiques et historiques. Pour ce qui est du mythe, la Tradition martiniste se presente comme 1'heritiere de connaissances remontant aux origines de l'humanite. Enoch. Tils de Seth, lui-meme troisieme enfant d’ Adam, les aurait recues d’un ange. Cette « Tradition primordiale » se serait ensuite transmise de generation en generation, d'initie en initie. et c'est ainsi qu'au X V IIIemc siecle. Marlines de Pasqually s’en trouvait etre l'heritier. Pour ce qui est de I'histoire, c'est dans le Siecle des Lumieres que le Martinisme trouve ses origines. Cette epoque, qui precede la Revolution franqaise, est celle oil triomphe le culte de la raison, de la connaissance intellectuelle. A cette periode, deux courants de pensee opposes apparaissent en France : le Scepticisme et 1'Illuminisme. Les progres enormes realises par les sciences a cette epoque avaient conduit I'homme a deduigner la religion. II voyait en elle une survivance des temps ou l'humanite. encore dans l’enfance, attribuait a des dieux imaginaires les phenomenes naturels et les maux dont elle souffrait. Les courants les plus representatifs de cette attitude sont le Sensualisme et 1'Encyclopedisme. Quelques penseurs se sont inquietes de ce basculement vers le rationalisme. Parmi eux, on trouve les mystiques que I'on regroupe sous la banniere de I'IIluminisme.
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En effet, rilluminisme s'est pose a contre-courant de ce mouvemcnt qui relcguait au rang de superstition ce qui, jusqu'a pre sent, donnait un sens a l'existence. Pour ces penseurs, c'est au-dela de la religion qu'il faut chercher la verite des choses, grace a une lecture en profondeur, esoterique, des textes religieux. Ce que I'on appelle rilluminisme. c'est done I'esoterisme du X V IIIcmc siecle. La quote de ces philosophes est une recherche mystique du sens de la vie. Ce qui la caracterise le mieux, c’est qu'ellc vise essentiellement a apprehendcr le Divin par 1’experience interieure. C'est dans 1'un des courants les plus importants de 1'Illuminisme, YOrdre des Chevaliers Masons Elus-Cohen de I'U ni vers, par* lois appelc plus simplement Ordre des Elus-Cohen. que le Mar tinisme trouve ses origines. II s'agit de l'un des rites ma^onniques les plus etranges. II possedc en effet une doctrine qui semble plonger ses ratines dans le judeo-christianisme. qui * caracterise 1'Eglise originelle et utilise des rituels qui s'apparentent a une magie-angelique. une theurgie. Cet Ordre a connu une existence assez breve, car apres la disparition de son fondateur survenue en 1774, soit une vingtaine d'annees seulement apres la creation de I'Ordre, il entre en som meil. II connait cependant une survivance, d'une part a travers les Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte, et d'autre part avec les disciples de Louis-Claude de Saint-Martin, dont Papus et Au gustin Chaboseau seront les descendants. C'est sous cette forme qu'il existe encore de nos jours a travers divers Ordres Martinistes, dont Tun des plus importants est VOr dre Martiniste Traditionnel.
LE M A R T I N I S M E
L' o r d r e
d es c h e v a lie r s
Masons Elus-Cohen de TUnivers U n s y s t e m e d e h a u t s -g r a d e s
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L’Ordre des Chevaliers Masons ElusCohen de I’ Univers, plus couramment appele ordre des Elus-Cohen, releve de ce que Ton uppelle les « hauts-grades magonniques ». Ces grades sont apparus dans la Franc-Magonnerie au X V IIF mc siecle, epoque ou ils proliferaient avec une certaine anarchie. L’ordre des ElusCohen a ete fonde vers 1754 par Marlines de Pasqually (17107-1774). Malgre les recherches de plusieurs historiens comme Rene Leforestier (1858-1951). Gerard Van Rijnberk (1875-1953). ou Robert Amadou (1924-2006), les origines de ce personnage restent encore mysterieuses. Depuis. peu de decouvertes importantes sont venues s’ajouter a leurs travaux, si ce n’est celle de Facte d'inhumation de Marlines par Jean Pinasseau en 1969, et celles de Christian Marcenne en 1996 a propos de sa carriere militaire.
T u b t r v k
P k i> * r m ,K .s o k
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.i . t h i r u s .
U n m y s t e r ie u x f o n d a t e u r Le pere de Marlines de Pasqually etait un espagnol, ne a Alicante. Certains histo riens pensent qu’ il descendait des Marranes, mais aucun element ne permet de Faff inner. On dit Marti nes de Pasqually natif de Grenoble, dans la paroisse NotreDame. Cependant, la date exacte de sa naissance reste inconnue. car son acte de bapteme demeure introuvable. Les recentes decouvertes de Christian Mar cenne permetlent de situer sa naissance vers 1710. Le nom meme de Martines de Pasqually reste imprecis, car il en varia 1’orthographe et la composition plusieurs fois. Ainsi utilise-t-il tantot le nom de Joachim Dom Martines de Pasqually, et tantot celui de Jacques Delivon Joacin Latour de La Case. Nous nous contenterons ici d’employer celui qui lui est generalement attribue : Martines de Pasqually. Que tut sa jeunesse ? Nous Fignorons, et on ne sait rien a propos de ses etudes et de la formation qu’ il requt. Ses lettres montrent qu’il maitrisait mal Fecriture de la langue fran^aise. Certains rituels ElusCohen sont ecrits entierement en lalin ex. le De Circulo et quelques-uns comp>ortent des citations latines. II est done possible qu’il possedait une culture classique. D ’apres les documents deposes par Martines chez Perrens fils, notaire a Bor deaux. il ressort qu’il a exerce la profes sion de militaire pendant une dizaine d ’annees, avec le grade de lieutenant. Ainsi, en 1737, il sert en Espagne. dans la
Illustration de Dionysius, p o u r la traduction anglaise des «Trois principes», de Jacob Boehm e
compagnie du regiment d’ EdimbourgDragons, commande par son oncle, Dom Pasqually. Plus tard, en 1740, il est en Corse, ou il participe a une intervention franchise sous le commandement du mar quis de Millebois. Enfin. en 1747, il esl au service de I’Espagne et combat en Ita lic.
E m m a n u el S w ed en bo rg e t M a r t in e s d e P a s q u a l l y Dans son livre Martinisme Willermosisme - Martinisme et Franc-Magonnerie (1899), Papus presente Martines de Pas qually comme un disciple d ’ Emmanuel
Swedenborg. II fait d'ail leurs de ce der nier le createur des Hauls Grades ma^onniques, et precise qu’apres avoir initie Martines a Londres, Swedenborg Faurait charge de repandre en France les grades ma^onniques dont il etait le createur. Papus va jusqu’a pretendre que le Marti nisme esl un Swedenborg isme adaple. En fait, il reprend ici des affirmations erronees, formulees par Ragon dans son Othodoxie Ma^onnique (1853). Ce der nier avait lui-meme repris, sans les controler, des informations donnees par Marcello Reghellini dans La Magonnerie consideree comme le resultal des reli-
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DOSSIER gions egyptiennc, juive ct chretienne (1833). Dans ce livre, cct auteur dresse unc biographic assez fantaisiste du fondateurdes Elus-Cohen. Faisant de lui un disciple de Swedenborg, il prelend que e'est ce theosophe suedois qui lui donna Pidee de creer un rile en relation avee la symbolique de I'Ancien et du Nouveau Testament. D'apres lui. Marlines serait d’origine allemande et mourut centenaire ! On peut s'etonner que Ragon et Papus aient manque a ce point d* esprit critique, car une etude memc rapide des idees de Pasqually et de Swedenborg montre qu’elles n’ont rien en commun. Reghellini pretendait egalement que Martines de Pasqually tenait sa doctrine des juifs talmudistes el des chretiens de saint Jean « qui vivaient dans les lieux d’Orient qu'il avail visites pendant sa jeunesse ». II parle de ses voyages en Turquic, en Arabic et en Palestine, sans toutefois citer ses sources. Que ce soit dans ses ecrits ou ses correspondances, Martines n’a jamais fait etat de tels voyages ; il semble done impossible d'accorder le moindre credit aux affirmations fantaisistes de Reghellini. Selon les dires de Martines. son pere etait Franc-Ma^on et avail dirige une loge a Aix en 1723. II aurait ete en possession d'une patente stuartiste, datee du 20 mai 1738. charge qui etait transmissible a son fils. Dans ses lettres, Martines de Pas qually parle a mots couverts des maitres qui lui ont transmis ses connaissances, mais e’est probablement de son pere qu'il re^ut I’essentiel de sa formation mys tique. Cependant. il dit parfois dans ses textes : « la Sagesse m ’ a enseigne », comme pour montrer que son savoir provient aussi de sa propre experience spirituelle. Quoiqu’il en soit. Martines adapta ses connaissances a son epoque et au cadre qu’il avait choisi pour les diffuser, a savoir, la Franc-Mavonnerie. L'etude de ses ecrits, de ses instructions et de ses rituels montre qu'il connaissait parfaitement la Bible et particulierement I’ Ancien Testament, qu’ il cite frequemment en renrichissant a l aide d ’elements empruntes a la tradition talmudique.
La K a b b a l e Bien qu’il soit errone d ’assimiler le Martinisme avec la tradition kabbalistique, la doctrine de Martines de Pasqually possede une certaine affinite avec le fonds general de la mystique juive. Cependant, par ses rites, I’Ordre fonde par Martines de Pasqually se rapproche davantage des kabbalistes chretiens de la Renaissance. II disait tenir ses connaissances d’un he ritage esoterique dont sa famille etait en possession depuis trois cents ans. Elle au rait re^u cct heritage de 1’ Inquisition. Helas, nous ne savons rien a ce propos. S'agit-il de documents renfermant des connaissances et des pratiques dont Mar tines s’est fait le dispensateur, ou cct he ritage lui venait-il d’une societe initiatique a laquelle sa famille appartenait ? Jean-Baptiste Willermoz disait que
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Martines avait succede a son pere, lequel vivait en Espagne. Cette remarque laisse entendre qu’ il exista probablement un petit groupe de « pre-Cohen » sous la di rection de son pere. Martines de Pas qually ne pretendait pas etrc le createur de I’Ordrc qu’ il dirigeait, mais se presentait comme etant I’un de ses sept Souverains. Quoiqu'il en soit, 1’Ordre constitue par Martines est veritablement une creation. En elTet. lorsqu'on lit les diverses correspondances du maitre avec ses disciples, on decouvre la genese d’un Ordre, qui meme au moment de la mort de son fondateur, n’etait pas encore totalement operationnel. L’etude du Traite sur la reintegration des etres, texte dans lequel Martines a resume 1'ensemble de sa doctrine, revele la pre sence d’elements empruntes a la litterature talmudique, rabbinique et kabbalistique. Bien des details montrent aussi la presence de themes propres au christianisme primitif. On aurait done tort de faire de Martines un kabbaliste, car sa philosophic, tout comme sa theurgie. ne sont pas specifiquement kabbalistes. Martines de Pasqually se presente comme catholique romain. Cependant. ses enseignements sont plus proches du christianisme primitif que des dogmes enseignes par l’ Eglise. En effet. comme le disait Robert Amadou. Martines pense comme un chretien d’avant le premier Concile. Pour lui, le Christ est un prophete qui s'est incarne a travers le temps sous differents noms ; il a une conception angelologique du Christ, position caracteristique du judeo-christianisme. Si les divers mouvements judeo-chretiens qui constituent la source du christianisme ont etc marginalises apres les premiers Conciles, il n'en reste pas moins vrai que certains ont subsiste assez longtemps. II est possible qu’une survivance judeochretienne ait persiste en Espagne et que Martines soit l’un de ses descendants. Selon* les ecrits de Martines, la science des Elus-Cohen trouve son orisine dans les instructions que Seth, le troisieme fils d'Adam. aurait revues d ’un ange. Cette science enseigne la maniere de conduire les rites propres a permettre a l ’homme de se reconcilier avec Dieu. Pour Marti nes, les descendants de Seth et d'Enoch auraient perverti cette connaissance, au point qu'en definitive, elle serait devenue inutilisable. II pretend que Noe fut instruit sur cette science qui. de generation en generation, se serait transmise jusqu’aux Elus-Cohen.
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Cachet de M a rtin is de Pasqually
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Dessin th iu rg iq u e des Elus-Cohen
Martines de Pasqually estimait que la Franc-Ma<;onnerie de son epoque etait « apocryphe », e’est-a-dire d ’une authenticite douteuse, et proposait de la ressourcer a partirde la doctrine dont il etait le depositaire. Les activites ma^onniques de Martines debutent en 1754. dans le Sud de la France, a Avignon, a Marseille et plus particulierement a Montpellier, ou il au rait fonde le chapitre des Souverains Juges Ecossais. A la fin de 1’annee 1760.
M a r t in e s d e P a s q u a l l y , F r a n c - M acon Martines de Pasqually definit ainsi sa mission : « Je ne suis qu’un faible instru ment dont Dieu veut bien, indigne que je suis, se servir, pour rappeler les hommes mes semblables a leur premier etat de ma$on, afin de leur faire voir veritable ment qu’ ils sont reellemcnt hommesDieux, etant crees a I’ image et a la ressemblance de cet etre tout-puissant. »
ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS S E R IE n°38
Jean-Baptiste W illermoz
LE M A R T I N I S M E
sailles, Lyon, Grenoble, la Rochelle, Strasbourg... L'abbe Fournie (17381825), disciple de la premiere heure, nous renseigne sur la maniere dont Mar tines recrutait ses disciples. « Dieu m ’accorda la erace de rencontrer un homme qui me dit familierement: « Vous devriez venir nous voir, nous sommes de braves gens. Vous ouvrirez un livre. vous regarderez au premier feuillet, au centre et a la fin ; lisant seulement quelques mots, et vous saurez tout ce qu’il contient. Vous voyez marcher toutes sortes de gens dans la rue ; he bien ces gens la ne savent pas pourquoi ils marchent, mais vous. vous le saurez ». Cet homme, dont le debut avec moi semble extraordinaire, se nommait Don Martinets de Pasqually. » (P. Four nie, Ce que nous avons ete, ce que nous sommes et ce que nous deviendrons, 1801.) Sceau des Elus-Cohen
U n r it e j u d e o - c h r e t ie n il se presenta a la loge Saint Jean des Irois loges reunies, situee a Test de Toulouse. Martinos y exposa une sorte de « plan parfait » de la Franc-Ma^onnerie et ses projets pour etablir l'ancien et le nouveau temple des « Chevaliers Levites. des Cohenim-Leviym et des Elus Coens ». Les freres de Toulouse se rnontrent scepticjues et demandent a Marlines de Pasqually de prouver la realite des connaissances qu'il pretend detenir. Pour satisfaire a leurs exigences, il tente de demontrer l’efficacite de ses pratiques theurgiques. Apres deux essais infructueux, notre theurge fut remercie et invite a quitter les lieux. car les responsables de la loge toulousaine ne voulurent pas pousser Vexperience plus loin. A Foix. Martines eut plus de chance, et c'est dans la loge Josue. etablie dans le regiment present dans cette ville. qu'il va recruter ses premiers disciples, comme le lieutenant-colonel de Grainville et le capitaine des grenadiers Champoleon. C'est la tju’il fonde un chapitre. le Tem ple des Elus-Cohen. Cependant. c'est a Bordeaux que commence reellement l'histoire de cet Ordre. A cette epoque. en avril 1762. le regiment de Foix est en garnison au Chateau-Trompette de Bor deaux. Martines s’installe lui-meme dans cette ville, et c'est done tout naturellement que le travail commence a Foix s’etend a Bordeaux. C'est la qu'il etablit son « Tribunal Souverain », e'est-a-dire le centre principal des activites de TOr dre des Chevaliers Masons Elus-Cohen de I'Univers. Un jeune officier de ce re giment, le sous-lieutenant de grenadiers, Louis-Claude de Saint-Martin, va bientot s'interesser a cet Ordre mysterieux. Les voyages de Martines a Paris lui permettent egalement de trouver d'autres disciples, tels Bacon de la Chevalerie, le comte de Lusignan. Bonnichon dit du Guers, Henri de Loos et Jean-Baptiste Willermoz, qui se trouve alors dans la capitale pour ses affaires personnel les. L’Ordre s'etend rapidement a Paris, Ver
L’Ordre fonde par Marlines de Pasqually est une societe initiatique mystique. II est structure autour d'un systeme theosophique ties particulier, car la mystique de Martines n'est pas une simple specula tion ; elle conduit a une pratique. Cette mise en oeuvre s'appuie sur une magie di vine. une theurgie, qui se propose de conduire 1'homme, par purifications successives, a entrer en communication avec le monde des esprits. D'abord avec l'ange personnel de I'initie, son « compagnon fidele », puis avec les esprits des mondes superieurs, pour finalement le conduire a faire l'experience de ce qu’il nomme mysterieusement « la Chose », l'lnnommable.
LA DOCTRINE DE LA REINTEGRATION Contrairement aux divers systemes de hauls grades ma^onniques, qui manquent souvent d'unite doctrinale, celui de Mar tines se developpe autour d'une doctrine precise, celle de la Reintegration. Elle est exposee dans le Traite sur la reintegration des etres dans leur premiere propriete, vertu et puissance spirituelle divine, un texte d'instruction qu'il reservait a ses
disciples les plus avances. Pres de cent ans apres la mise en sommeil de 1'ordre des Elus-Cohen, en 1899, cette instruc tion secrete fut publiee sous la forme d'un livre paru chez Paul Chacornac. Plus recemment, en 1993, Diffusion Rosicrucienne en a publie une version plus l iable d'apres l'exemplaire manuscrit de Louis-Claude de Saint-Martin. Le Traite de Martines est un midrach judeo-chre tien, en ce sens qu’il commente la Bible et lui apporte des developpements esoteriques. On peut resumer ainsi le propos du Traite : Avant les temps. Dieu emana de Lui des etres libres. Certains d'entre eux voulurent exercer eux-memes la puis sance creatrice. Dieu les ecarta alors de son Royaume, son « Immensite divine », en les enfermant dans le monde de la Creation, celui de la matiere, qu'il crea a cet effet pour leur servir de prison. C'est alors que Dieu emana 1'homme, un etre dote d'un corps de lumiere, auquel il confia la garde des esprits rebel les et la mission de les amencr a leur resipiscence. Cependant. le gcolier se laissa seduire pai* ses prisonniers et chuta a son tour. L'homme perdit alors son corps de lu miere pour se trouver enveloppe piu- un corps de chair. II garda cependant la meme mission, mais se trouvait des lors contraint de reintegrer sa position glorieuse avant de pouvoir 1'accomplir. Ne disposant plus des memes pouvoirs, il fut reduit a utiliser un culte exterieur, la theurgie, pour obtenir l'aide des « agents intermediates ». les anges restes fideles a Dieu. C ’est ce culte particulier. necessitant de longues preparations, que pretendait perpetuer l'Ordre des Elus-Cohen.
L e s GRADES COHEN Martines de Pasqually confiait ses enseignements a ses disciples au fur et a mesure de leur avancement dans les grades composant la hierarchic de l'Ordre. Cette hierarchic debute par les trois grades « bleus » : Apprenti, Compagnon et Maitre, le plus souvent donnes en une seule
Dessin th£urgique des Elus-Cohen, d'apr&s un m anuscrit d e la B.N.F.
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DOSSIER ceremonie. Suivcnt les degres de Maitre Paifait Elu (ou Grand Elu sous la bande noire), d'Apprenti Elu-Cohen (ou Fort marque), de Compagnon Elu-Cohen (ou Double fort marque), de Maitre EluCohen (ou Triple fort marque, ou encore Maitre ecossais). Viennent ensuite ceux de Grand Maitre Cohen (ou Grand architccte), de Grand Elu de Zorobabel, (ou Chevalier d'Orient), et de Commandeur d'Orient (ou Apprenti Reaux-Croix). Enfin, la hierarchic de I’Ordre est couronnee par un degre supreme, celui de Reau-Croix (ou R+). * L'Ordre des Elus-Cohen est dirige par un college de direction, le Tribunal Souverain, compose de Reaux-Croix. Ses membres portent le litre de Souverains Juges et font suivre leur signature des lettres S J. Au X V IIIe, le « I » et le « J » ecrits en majuscules ont le meme graphisme, et cette similitude a entraine quelques historiens a confondre les S.J. de Martines avec les S.I. du Baron Hund. Le titre de S.I. n'a jamais fait partie de la hierarchic Cohen. Chaque initiation met en scene et fait vivre aux membres de I’Ordre les divers episodes de la vie de I'homme. D'abord en evoquant 1’emanation du pere de 1'humanite, Adam, dans I'lmmensite divine, puis sa naissance dans un corps de lumiere, un « corps glorieux », et sa chute dans le monde de la matiere. Ces cere monies illustrent les purifications que I’homme doit suivre pour retrouver sa gloire perdue et parvenir enfin a sa « re integration ». a son retour dans le Divin. L'ensemble de ces grades est cense rendre le disciple sensible aux influences spirituelles de son guide interieur, son « bon compagnon », terme par lequel les Elus-Cohen designent leur ange gardien. Lorsqu'un initie reussissait a realiser cette « jonction », c'est-a-dire a s'unir spirituellement avec son « bon compa gnon », il pouvait alors esperer soulever le voile du monde celeste en utilisant la theurgie. Seuls les membres ayant atteint le grade de Reaux-Croix recevaient les cles secretes permettant de faire de tel les experiences.
les benedictions des esprits bons. I Is ont aussi pour but d'execrer, de conjurer les esprits mauvais, pour chasser leurs in fluences mauvaises qui tendent sans cesse a eloigner I'homme de sa mission. Appeler les esprits bons, eloigner les mauvais, necessitent de connaitre leurs noms, leurs jours d'influence et les heures propices pour les interpeller. Pour ce faire, Martines confiait a ses emules Reaux-Croix, un repertoire contenant les noms, les hieroglyphes secrets de 2400 esprits, et des recommandations sur les periodes favorables aux operations theurgiques. Le rituel preconise par Martines est extremement complexe dans sa mise en oeuvre ; il reclame un lieu specialement amenage. Sur le sol, on dessine le tableau figuratif de l'operation. une etoile a six branches et des cercles sur lesquels l'adepte doit dessiner les hieroglyphes des esprits qu'il desire evoquer. Sur ce dessin, il place des bougies dont le nombre peut aller jusqu'a plusieurs dizaines. Avant d'operer, le disciple doit prendre
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Ces rites magiques sont relativement proches de ceux pratiques par les kabbalistes chretiens et des procedures decrites par Cornelius Agrippa. II faut souligner qu'ils ont un caractere mystique et religieux. En effet, a la lecture de ces rituels, on est surpris par I'importance qu'y occupent les prosternations, les prieres. souvent extraites des Psaumes. La theur gie de Martines ne cherche pas a diriger des forces sur quelqu'un ou a obtenir des avantages. Ce n'est pas une « magie pra tique » orientee vers les petits soucis du quotidien ; c'est une sainte magie dont l'objet est 1'union mystique. Tout, dans la theurgie Cohen, conduit a cette rencontre entre le visible et 1'invisible. Dans cette pratique, 1'Invisible, la Chose, se manifeste physiquement, soit par un son, soit par une voix lente que les Cohen nomment « la conversation secrete entre
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L a T h e u r g ie Les Reaux-Croix pratiquent la theurgie (du grec theos, Dieu. et ergon, ouvrage). Litteralement. la theurgie est done « 1’ouvrage de Dieu ». Au IIle siecle, Jamblique l'a introduite dans la philosophic, comme auxiliaire a la sagesse purement speculative dont se contentaient ses predeccsscurs. II la considerait comme une magic superieure, visant non pas a obtenir des bienfaits materiels, mais a reali ser progressivement l’union mystique avec la Divinite. La theurgie de Martines a les memes objectifs : elle a pour but de mettre I'homme en relation avec le Divin en utilisant des intermediates devenus necessaires depuis la chute de I'homme, les « anges ». ou plutot. en termes martinistes, aux esprits celestes et surcelestes. Ces rites visent essentiellement a obtenir
soin de se livrer aux jeunes et aux purifi cations necessaires a I'accomplissement du culte magique.
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I ame et 1*intellect ». Le plus souvent, les esprits expriment leur presence par un hieroglyphe lumineux. Les Elus-Cohen appelaient ces diverses manifestations des « passes ». Les instructions secretes, les rituels Cohen et les correspondances entre Mar tines et ses disciples montrent la difficulte de tel les operations. A leur lecture, on peut se demander combien purent rassembler les conditions preconisees par le Souverain Grand Maitre des Elus-Cohen. conditions qu'il serait impossible de reunir a l’epoque actuelle. On peut aussi se demander si ces travaux n’etaient pas uniquement une preparation exterieure destinee a conduire le disciple vers une communion plus interieure avec le Divin. En effet, pour Martines, le lieu privilegie de la rencontre avec le Divin reste le ca^ur de 1*homme, car c’est dans ce tabernacle qu’il peut recevoir les plus grandes satis factions, ainsi que les plus grandes fa vours que le Createur lui envoie.
II faut souligner que les disciples de Mar tines de Pasqually se devaient d’etre des catholiques pratiquants, et plusieurs protestants se convertiront au catholicisme pour se conformer a cette regie. D'ailleurs, lors de son initiation au degre apprenti. le Cohen devait prendre plusieurs engagements : le premier etait de garder secrets les mysteres de l'Ordre. et le se cond d’etre fidele a la sainte religion catholique apostolique et romaine. Avant de pratiquer les rites theurgiques, les disci ples devaient assister a une messe. Ils se preparaient au moyen de la priere, notamment en pratiquant la Priere des six heures, un exercice auquel ils devaient se livrer toutes les six heures (six heures du matin, midi, dix-huit heures et minuit). Ces prieres, en partie composees par Martines, comprenaient des lectures des Psaumes, des invocations « du saint nom de Jesus », le Pater, I'Ave Maria, ainsi que des suppliques adressees a I'ange gardien. A chaque nouvelle Lune, voire tous les jours suivants, ils devaient egalement reciter les sept Psaumes de Peni tences. L’Office du Saint Esprit devait etre recite chaque jeudi. tout comme le Misere, qui devait etre dit debout face a 1'Orient, et le De Profundis, face contre terre. Plus le disciple avan^ait dans la hie rarchic, plus les obligations, prieres, jeunes, abstinences augmentaient. La vie d'un Cohen n'avait rien a envier a celle d’ un moine. L'abbe Pierre Fournie rapporteque les instructions journalieres de Martines « etaient de nous porter sans cesse vers Dieu. de croitre de vertus en vertus, et de travailler pour le bien gene ral ; elles ressemblaient exactement a celles qui apparaissent dans 1'evangile que Jesus-Christ donnait a ceux qui marchaicnt a sa suite ». Duroy d'Hauterive precise le travail d'un Cohen en ces termes : « La rejection continuelle de la pensee mauvaise, la priere et les bonnes oeuvres : voila les seul moyens d'avancer
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Karl G o tth elf von Hund, createur de la Stricte Observance Tem plitre
dans la decouverte de toutes les verites, et ce qui est encore au-dessus, la pratique de toutes les vertus ». L'cxisence de tel les pratiques rebutera de nombreux disciples venus chercher le merveilleux et peu enclins a suivre des regies aussi contraignantes.
L ' e n t r e e e n s o m m e il A son arrivee a Bordeaux, meme s’ il vit modestement. Martines de Pasqually ne semble pas manquer d'argent. Cepen dant, sa situation se degrade rapidement, et en 1769, il a 1200 livres de dettcs. Or. a cette epoque, nombre de Bordelais s'enrichissaient grace au negoce du sucre avec les Antilles. Les beaux-freres de Martines de Pasqually s’etaient d’ailleurs installes la-bas, tout comme nombre d'officiers du regiment *de Foix. II semble que le fondateur des Elus Cohen avait luimeme des interets a Saint-Domingue, et c'est la raison pour laquelle il s'y rendit en 1772. II esperait y recouvrir la succes sion d'un parent decode la-bas et pensait mottre ainsi un terme a ses difficultes financieres. Son sejour se prolongea. et en definitive, le maitre ne centra jamais de voyage, car il mourut a Saint-Domingue, le 24 septombre 1774. Quolquo temps avant sa mort, il avait nomine Armand-Robert Caignet de Lestere, 1'un de ses disciples d'Haiti, pour diriger l'Ordre des ElusCohen. Mais ce dernier mourut lui-meme en decembre 1779. Son successcur, Sebastien de Las Casas, rentra en France
en novembre 1780 et mit officiellement en sommeil un Ordre qui, depuis la mort de son fondateur, s’eteignait de luimeme. En fait. Martines de Pasqually n’avait pas consigne par ecrit le rituel d'initiation au degre supreme de l'Ordre, celui des Reaux-Croix. Par consequent, ses disciples etaient dans 1’ impossibility d'assurer la perennite de l’Ordre. Par ailleurs, beaucoup de ses membres s’etaient eloignes de pratiques theurgiques trop complexes pour adopter le mesmerisme ou le somnambulisme, decouvert par le marquis de Puyseguren 1784. Sans doute jugeaient-ils ces moyens plus simples pour entrer en contact avec 1’autre monde.
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L'Ordre des Elus-Cohen ne comporta ja mais beaucoup de membres. II compta cependant quelques femmes, chose rare pour un rite ma^onnique a l'epoque. Louis-Claude de Saint-Martin (17431803) fut initie dans cet Ordre en 1765. Officier au regiment de Foix. il quitta 1'armee en 1771 pour devenir le secre taire personnel de Martines de Pasqually. Le chef des Elus-Cohen reconnaissait en effet dans ce jeune homme brillant un disciple prometteur. capable de 1'assister dans ses projcts. Grace a son aide, Mar tines de Pasqually reussit a ameliorer 1'organisation de l'Ordre. En 1772, SaintMartin fut initie au plus haut grade des Elus-Cohen, celui de Reaux-Croix. Jcan-Baptiste Willermoz (1730-1824),
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negociant en soieries a Lyon, fut egalement un membre eminent de I'Ordre. Initie dans la Franc-Ma^onnerie en 1750. aloi*s qu'il n'avait que vingt ans, il occupa rapidement une place importante dans la Ma^onnerie lyonnaise. II entra chez les Elus-Cohen et devint un disciple zele. Seduit par les enseignements de Martines de Pasqually, il fut cependant degu par les capacites d'organisateur de ce dernier. En efifet, I’Ordre des Elus-Cohen restait en core en pleine gestation, et son fondateur n'en finissait pas d'ecrire les rituels et les instructions destines au fonctionnement des loges.
L e s C h e v a l ie r s B ie n f a is a n t s d e l a C it e S a in t e Apres la disparition de Martines de Pas qually. les deux disciples que nous venons d'evoquer tentent. chacun a leur manicre, de poursuivre le travail de leur maltre. Le premier, Jean-Baptiste Willermoz. integre la doctrine de la Reintegration dans le rite maQonnique de la Stricte Observance
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Templiere allemande du baron Carl Gotthelf von Hund (1722-1776), Ordre avec lequel il etait en relation depuis quelques annees. En 1778, loi^s d'un Convent, cet Ordre se reorganise en adoptant cette doc trine et devient celui des Chevaliers Bien faisants de la Cite Sainte. Jean-Baptiste Willermoz redige pour les degres superieurs de cet Ordre, ceux de Profes et de Grand Profes, des instructions qui presen ted, sans la nommer directement, la doc trine de Martines. Cependant, Willermoz ne transmet pas les enseignements theurgiques de Martines aux Chevaliers Bien faisants de la Cite Sainte. Lors du Convent de Wilhemsbad, en 1782, la reforme initiee par Willermoz est adoptee : c’est la naissance du Rite Ecossais Rectifie. La floraison de ce rite sera entravee par la Revolution franchise. Avant meme la dis parition de Jean-Baptiste Willermoz, qui meurt en 1824. il entrera en sommeil en France. II survivra en Suisse, notamment a Geneve, dans les milieux protestants qui seront seduits par la symbolique chretienne attachee a ce rite. Ce n'est qu'apres la Premiere Guerre mondiale, mace a Edouard de Ribaucourt et a Cami lie Savoire, qu'il renaitra en France.
L a v o ie in t e r ie u r e La pensee de Martines de Pasqually trouva egalement des developpements hors de la Franc-Magonnerie, grace a Louis-Claude de Saint-Martin. Quelques annees apres la mort de Martines de Pasqually, ce dernier abandonna la theurgie, la voie externe, au profit d'une demarche plus interieure. En effet, apres des annees de pratique, il jugeait la theurgie dangereuse, et peu sure pour cheminer vers le Divin. Pour lui. le creuset de 1'evolution spirituelle, c'est le coeur de l’homme, et il n'est pas necessaire d'utiliser une quelconque magie ou de faire appel aux anges. On appelle la voie preconisee par Saint-Martin une « voie cardiaque », par opposition a la voie theurgique. C ’est a la suite de sa decouverte des oeuvres de Jacob Boehme, que
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Saint-Martin se convertit a la voie inte rieure. Cependant, les enseignements de Pasqually eurent sur lui une influence profonde, et Saint-Martin conserva toute sa vie un grand respect pour celui qu'il appelait « son premier instructeur ». Les livres qu'il ecrivit sous le nom de Philosophe Inconnu. depuis Des Erreurs et de Verite en 1775, Le Tableau Naturel en 1782, LHomme de desir en 1790 ou Le Nouvel Homme en 1792... jusqu'a son dernier livre, Le Ministere de I'HommeEsprit, public en 1802. sont tous marques de la doctrine de Martines de Pasqually. La Tradition martiniste veut que LouisClaude de Saint-Martin ait transmis une initiation a quelques disciples choisis, et que celle-ci se soit perpetuee au corns du X IX e siecle. A la fin du X IX e siecle, deux homines se presenterent comme etant depositaires de cette initiation : Ge rard Encausse el Augustin Chaboseau. En 1889, ces deux heritiers unirent leurs ef forts pour fonder I'Ordre Martiniste des tine a perpetuer cet heritage esoterique et mystique.
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la fin du XIX° siecle, deux etudiants en medecine, Gerard Encausse (1865-1916) et Augustin Chaboseau (1868-1946) frequentent les services du docteur Luys a I'hopital de la Charite. Au cours d'une discussion, ils decouvrent qu*ils sont tous les deux depositaires d'une initiation remontant aux disciples de Louis-Claude de Saint-Mar tin. mais chacun d’eux est relie au Philo sophe Inconnu par une filiation differente : celle de Papus vient d*Henri Delaage, tandis que celle d'Augustin Chaboseau passe par Amelie de BoisseMortemart.
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Pa p u s Papus presente Henri Delaage (18251882) comme ayant ete initie par le chimiste Jean-Antoine Chaptal (1756-1832), son grand-pere. dont il fait un disciple de Saint-Martin. On ignore si le celebre chimiste, qui fut membre du Conseil d'Etat et ministre du Consulat et de 1'Empire, fut reellement en relation avec LouisClaude de Saint-Martin. On sait cependant qu'il avail etc initie dans la Franc-ma^onnerie vers 1789 a la loge La Parfaite Union de Montpellier. Notons qu'Henri Delaage n'a jamais pretendu avoir ete initie par son grand-pere. Au
moment de la mort de ce dernier, il n'avait d'ailleurs que sept ans. La tradi tion veut qu'entre lui et Jean-Antoine Chaptal. il ait existe un initiateur dont le nom ne nous est pas parvenu. II est pro bable que celui-ci ne soit autre que son propre pere, Clement Marie-Joseph De laage (1785-1861). Comme le montre la correspondance qu'il echangea en mars 1811 avec Charles Geille, Clement Marie-Joseph connaissait asscz bien la pensee de Louis-Claude de Saint-Martin pour donner a son interlocuteur des conseils de lecture sur les ouvrages du Philosophe Inconnu. Charles Geille semble avoir etc lui-meme ties au fait de pratiques theurgiques voisines de celles qu'enseignait Martines de Pasqually. A la lecture de leurs lettres, Paul Vulliaud precisait : « nous devons bien convenir, en elTet, que la tradition martiniste se perpetue par ini tiation livresque et individuelle » (Histoire et port m ils de Rose-Croix, 1987).
H en ri D ela a g e Henri Delaage est Kune des figures les plus curieuses de son epoque. Homme de bien, il etait connu du tout Paris, et Eliphas Levi voyait en lui un thaumaturge. Ardent defenseur du magnetisme, il
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L'Ordre Martiniste a la Belle-Epoque (1889 a 1918)
A u tel d'une loge m artiniste, selon le rituel d e Teder, en 1911
considcrait cette science nouvelle comme un moyen de ramener les homines de son siecle a la foi. Son premier livre, intitule Initiation aux mysteres du magnetisme (1847), sera consacre en grande partie a ce theme. En 1852, alors qu'il est initie a la Franc-Magonnerie depuis peu, il evoque la symbolique des disciples d'Hiram dans Doctrines des societes secretes. Le F.-. Leblanc de Marconnay lui reproche alors d'avoir « expose aux yeux des profanes les mysteres des divers grades maconniques ». Appele a la barre du Grand Orient de France pour s'expliquer, il sera exclu des loges pour un an. Cet episode lui servit-il de lecon ? Quoi qu'il en soit, Papus precise que : « De laage poussa le respect du secret jusqu’a ne pas parler de 1'origine de son initiation dans ses livres, et c'est a ses intimes qu'il se plaisait a parler a coeur ouvert du Mar tinisme ». Dans une lettre du 19 janvier 1899 adressee a Papus, Camille Flammarion rapporte qu'il voyait frequemment Henri Delaage et precise : « Je me souviens qu'il m ’a souvent parle de son grand-pere, le ministre Chaptal, et de Saint-Martin (le Philosophe Inconnu). que son grand-pere connaissait particulierement. II s’etait occupe aussi luimeme, avec Matter, de la doctrine du Martinisme. sur laquelle ce dernier au teur a publie un ouvrage a la librairie academique Didier. oil je Pai aussi quelquefois rencontre. » (Matter, SaintMartin, le Philosophe Inconnu. 1862.) Papus rapporte que « quelques mois
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Augustin Chaboseau, Grand M a itre de I'O.M.T. de 1939 61946
avant sa mort, Delaage voulut donner a un autre la graine qui lui avait ete confiee et dont il ne pouvait tirer aucun fruit : pauvre depot, constitue par deux lettres et quelques points, resume de cette doc trine de I'initiation et de la trinite qui avait illumine tous les ouvrages de Delaage. Mais 1'Invisible etait la, et c’est lui-meme qui se chargea de rattacher les ouvrages a leur reelle origine et de permettre a Delaage de confier sa graine a une terre oil elle pouvait se developper ». Papus. qui n'etait encore que Gerard Encausse, n'avait alors que dix-sept ans.
A u g u s t in C h a b o s e a u La filiation d ’Augustin Chaboseau passe par un autre chemin. En 1886, alors qu’ il est etudiant a Paris, ses parents, inquiets de le laisser seul, lui recommandent d'aller rendre visite a une de leurs parentes, la marquise Amelie de Boisse-Mortemart. Des leur rencontre, une grande complicite s'installe entre Amelie et le jeune Augustin. D'abord sur le plan litteraire, et ensuite sur la spiritualite. Augus tin Chaboseau precise : « Elle etait mystique, ultra mystique. Nulle science occulte n'avait de secret pour elle. II est vrai qu'a cet egard elle avait ete stylee par Adolphe Desbarolles. Ce qui la passionnait plus que tout, c'etait le Martinisme. » Et il ajoute : « Elle me preta les livres d'Elm c Caro, de Jacques Matter, d ’Adolphe Franck. Ensuite ceux de Saint-Martin lui mcme. Apres quoi, elle n'hesita pas a m ’initier, comme elle avait ete initiee par Adolphe Desbarolles, dis ciple direct d’ Henri de Latouche ».
L a T r a d it io n o c c id e n t a l e II est interessant de noterqu'en definitive
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les filiations de Papus et Augustin Cha boseau se rejoignent, etant donne qu’Adolphe Desbarolles et Henri De laage se connaissaient parfaitement. En effet, non seulement ils publiaient chez le mcme editcur, mais tous deux frequentaient le cercle du baron de Guldenstubbe, avec Jacques Matter et le comte d'Ourches, ou ils participaient a des seances d'ecriture automatique. En 1888, Papus et Augustin Chaboseau decident de transmcttre I’initiation dont ils sont depositaires. Ils creent pour cela un mouvement initiatique : l'Ordre Martiniste. Grace au dynamisme de Papus, cette organisation connaTt un grand rayonnement, et bien qu’elle soit encore relativement informelle, le nombre d'inities augmente rapidement. Papus n'a pas encore termine ses etudes et s'apprete a faire son service militaire. Pourtant, il a A deja fonde l'Ecole Hermetique, organise l’Ordre Martiniste, cree les revues L'Ini tiation et Le Voile d 'Isis, et ecrit Le Traite elemental re de sciences occultes (a 23 ans) et Le Tarot des bohemiens (a 24 ans). Ce n'est que le 7 juillet 1892 qu’il defendra avec succes sa these de docteur en medecine. Les activites de Papus le conduisent a s’eloigner de la Societe Theosophique, dont il desapprouve la conception trop orientaliste de l'esoterisme. Cette posi tion, pronant la superiority absolue de la Tradition orientale, le scandalisait, et c'est pour cette raison qu’il jugea utile de creer un mouvement propre a remettre en valeur l'esoterisme occidental. En effet. selon Papus et Stanislas de Guaita, cer tains occultistes essayaient alors de deplacer l'axe de gravitation de I'esoterisme hors de Paris, sa terre d'election ; « Aussi fut-il decide en Haut Lieu [precise mysterieusement Papus], qu'un mouve ment de diffusion devait etre entrepris. afin de selectionner de veritables inities, capables d'adapter la Tradition occiden tale au siecle qui allait s'ouvrir ». Le « haut lieu » auquel se refere Papus semble etre VH. B. of L . (Hermetic Brotherwood of Luxor, c'est-a-dire la Fiaternite Hermetique de Luxor. Cet Ordre mysterieux avait etc fonde vers 1870 par Louis-Maximilien Bimstein (18471927), dit Max Theon ou Aia Aziz, un personnage singulier. II se faisait un de voir de restaurer l'esoterisme occidental en lui donnant un aspect scientifique. II voulait ainsi stopper Vexpansion de la Societe Theosophique. qu'il accusait de vouloir « vicier I'esprit de I'Occident et l'entrainer sous la domination de la pensee orientale ». Son but etait de remettre en activite un Ordre enracine dans l'esoterisme chretien pour preserver la perennite de la Tradition occidentale. En 1870.177. B. of L. etait dirigee depuis l’Angleterre par Peter Davidson, que Papus considerait comme son « maitre en la pratique ». En France, c'est F.-Charles Barlet (Albert Faucheux, 1838-1921), qui dirigeait l'Ordre. II faut noterque la plupart des membres fondateurs de l'Ordre
Certificat d'initiation d I'Gpoque de Papus
Martiniste, comme Papus lui-meme et F.Ch. Barlet. etaient des membres de YH. B. o f L Pendant quelque temps, ce mou vement constitua d'ailleurs une sorte de cercle interieur dans l'Ordre Martiniste, cercle qui sera bientot remplace par VOr dre Kabbalistique de la Rose-Croix.
L 'O r d r e M a r t in is t e En 1890, Papus demissionne de la Socicte Theosophique, et des ce moment, le Martinisme s’organise d ’une maniere plus precise. Papus et Augustin Chabo seau rassemblcnt quelques amis comme Stanislas de Guaita. Lucien Chamuel, F.Ch. Barlet, Maurice Banes, Josephin Peladan, Victor-Emile Michelet et quelques autres. Les initiations se font plus nombreuses, et 1'annee suivante, en juillet 1891, l’Ordre Martiniste se dote d'un Su preme Conseil compose de vingt-et-un membres. On procede a une election pour designer un Grand Maitre, et c'est Papus qui est elu a cette charge. II refuse d'abord cette fonction. pensant qu'elle revient a Augustin Chaboseau. mais ce dernier estime que Papus est plus a meme que lui de diriger l'Ordre. Finalement, ce dernier accepte, el l'Ordre prend rapide ment un essor considerable. LInitiation, revue mensuelle, devient son organe
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L 'O r d r e K a b b a lis tiq u e de l a R+C Le Groupe Independant d 'Etudes Esoteriques, cercle exterieurde I’Ordre Marti niste, est complete par un cercle interieur : I'Ordre Kabbalistique de la Rose+Croi.x. Le 5 juillet 1892 est conclu un traite d'alliance entre cet Ordre et le Martinisme. Rappelons que 1'Ordre Kab balistique de la Rose+Croi.x a etc renove en 1889 par Stanislas de Guaita et Josephin Peladan. Pour Stanislas de Guaita, « le Martinisme et la Rose-Croix consti tuent deux forces complementaires. dans toute la portee scientifique du terme ». II devient alors strictement reserve aux Martinistes titulaires du grade « S.I. » et permet de parfaire leur formation. 11 se divisait en trois degres d'etudes sanctionnes par les diplomes de : Bachelier en kabbale, Licencie en kabbale, et Docteur en kabbale.
Revue «L'lnitiation», n ° 1, de 1888
L 'E g l is e g n o s t iq u e official, et des loges sont creees un peu partout en France. Paris en compte bienlot quatre : Le Sphinx, dirigee par Papus, ou se font les etudes generates ; Hermanubis, dirigee par Sedir, ou Fon etudie la mystique et la tradition orientales ; Velleda. dirigee par Victor-Emile Michelet, qui se consacre a Fetude du symbolisme : Sphinge, reservee aux adaptations artistiques. Le Martinisme se devcloppe aussi dans de nombreux pays comme la Belgique, FAllemagne, FAngleterre, I*Espagne, Tltalie, I’Egypte, la Russie, laTunisie, les Etats-Unis d'Amerique, VArgentine, le Guatemala et la Colombie. Le nombre des loges depasse la centaine en 1898.
L a F a c u l t e d es S c ie n c e s H e r m e t iq u e s Papus veut renover Fesoterisme occiden tal : « Puisqu'il existe des facultes ou Ton peut apprcndre les sciences materialistcs, pourquoi n'y en aurait-il pas une ou Ton pourrait apprendre les sciences esoteriques ! ». C'est a cet effet qu’ il cree VEcole Superieure Libre des Sciences HermetiqueSy un groupe donnant des cours et des conferences sur Fesoterisme occidental. Ce ccrcle exterieurde I’Ordre Martiniste deviendra plus tard le Groupe A A Independant d ’Etudes Esotenques, puis I'Ecole Hermetique et la Faculte des Sciences Hermetiques. Les cours y sont nombreux. el les sujets etudies vont de la kabbale a l'alchimie et au tarot. en pas sant par Fhistoire de la philosophic her metique, soit environ une douzaine de cours par mois. Les professeurs les plus assidus sont Papus. Sedir, Victor-Emile Michelet, F.-Ch. Barlet, Augustin Chaboseau, Sisera... Line section particuliere etudie les sciences orientales sous la di rection d ’Aueustin Chaboseau. Une wautre, presidee par Francois Jollivet-Castelot, se consacre a l'alchimie : c’est la Societe AIchimique de France.
Les Martinistes n’hesitent pas a s'allier a d'autres societes initiatiques. Ainsi. en 1908, Papus organise un grand Convent spiritualiste international a Paris, mani festation qui ne reunit pas moins d’ une trentaine d'organisations. Helas, dans ses nombreuses alliances, Papus se laisse parfois deborder par la fougue de ses col laborate urs. Ainsi en fut-il avec 1'EgUse Gnostique. On pretend sou vent que cette derniere. fondee par Jules Doisnel vers 1889 a la suite d'une experience spirite, devint « l’ Eglise officielle » des Marti nistes. En fait, il n'en est rien. et 1'im portance de cette alliance a etc grossie par certains successeurs de Papus. Si I'Ordre Martiniste se lia avec plusieurs organisations comme Les Illumines, Les Babistes, ou Memphis Misraun, il n'en garda pas moins son independance. En 1897, sans doute pour remplacer 1'Or dre Kabbalistique de la Rose-Croix tombe en sommeil a la suite du deces de Stanis las de Guaita, Papus, Marc Haven et Sedir fonderent la mysterieuse Fraternitas The sauri Lucis (F.T.L.), qui ne connaitra qu'une existence ephemere. A cette epoque, il est courant d’appartenir a plu sieurs organisations initiatiques en meme temps. Beaucoup en abuserent, et certains Martinistes furent contamines par cette maladie qui guette les pseudo-inities : la « cordonite », c’est-a-dire 1'amour des de corations et des grades en tout genre. Pour ceux qui frequentaient le rite de MemphisMisra'fm, les quelques grades martinistes faisaient pale figure a cote des quatrevingt dix-sept degres de ce rite. Certains Martinistes, aveugles par les titres mirobolants des grades de Memphis-MisraTm (43° : Chevalier supreme commandeur des astres ; 68° : Grand architecte de la cite mysterieuse etc.), ne prirent meme plus le temps d'etudier leur propre tradi tion. Beaucoup se noyerent dans line sorte de syncretisme initiatique, oubliant le but et les fondements de I'initiation pour se perdre dans les apparences.
L es p r e m ie r e s d if f ic u l t y Papus avait parfaitement reussi a donner au Martinisme une structure internationale. Cependant. il n'etait guere parvenu a le relier au systeme philosophique qui en constituait la source, celui elabore par Louis-Claude de Saint-Martin. selon la doctrine de Martines de Pasqually. La cause de cet echec reposait sans doute sur 1'heritage trop fragmentaire qui lui avait ete legue et qu'il qualifiait lui-meme de « pauvre depot, constitue par deux lettres et quelques points ». A la lecture des ouvrages de Papus, en particulier celui inti tule Louis-Claude de Saint-Martin, sa vie, sa voie theurgique, son a-uvre, ses disciples (Chamuel, 1901), on sent qu'il ne possede pas toutes les cles de la doc trine martiniste. II la confond souvent avec Foccultisme et la kabbale. En 1901, le responsable de I'Ordre pour les EtatsUnis, le docteur Edouard Blitz, envoie a Papus un Memoire confidentiel qui souligne avec raison les confusions de Papus. Ce dernier n’apprecie guere, et les deux homines se brouillent. L’enthousiasme des premiers collaborateurs de I’Ordre s’estompe. Des 1907, Victor-Emile M i chelet prend une demi-retraite, et Sedir, Fun des meilleurs collaborateurs de Papus, se retire en 1910. Beaucoup de ceux qui s’ interessent au magnetisme rejoignent YEcole de magnetisme fondee par Henri Durville, un ami de Papus. Phi lippe de Lyon lui-meme prend la direc tion de la filiale lyonnaise de cette ecole. Quant a Augustin Chaboseau. apres avoir assure la fonction de redacteur en chef de la revue Le Voile d'Isis et celle de secre taire de redaction de Fsyche, il avait pris
Victor-Em ile M ichelet, Grand M a itre de I'O.M.T. de 1931 a 1938
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LE VOILE DISIS
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Sym bole utilise p a r ie s M artin istes (A la Gloire d e leschouah, Grand A rchitecte de I'Univers)
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Revue «Le Voile d 'lsis», de ja n v ie r 1891
ses distances avec I’Ordre depuis plu sieurs annees. Homme de terrain, le tra vail speculatif dans les loges ne le passionnait guere ; il preferait Taction a I'etude speculative. Toute connaissance. disait-il « est inutile, vaine et egoiste, qui ne peut profiler immediatement au bien des autres ». Aussi, a partir de 1893, il avail cesse de participer aux reunions de loges pour repandre des idees emancipatrices par la plume et la parole. II avait demande a etre mis en conge du Supreme Conseil de I’Ordre Martiniste pour se lancer dans Taction. Papus. par respect, lui avait toujours garde sa place, et son poste ne fut jamais occupe par un autre membre. Passionne par Teducation, Au gustin Chaboseau donna beaucoup de son temps a la Ligue pour TEnseignement de son ami Jean Mace. Ayant laisse la medecine pour la litterature et le journalisme, il ecrivit nombre d'articles dans des journaux comme La Famille, I'Aurore, I'Action, Le Courrierdu Soir, le Fi garo, le M atin, le Farisien, La Petite Republique. La collaboration d'Augustin Chaboseau a La Petite Republique eut une influence importante sur sa vie. C ’est la qu'il fit la connaissance de Benoit Malon, de Fourniere et de tous les leaders du mouvement socialiste de 1'epoque. En 191 1, il devint le secretaire du depute Pierre Goujon.
Contrairement a Papus qui ne reussil ja mais a se faire admettre dans la FrancMagonnerie frangaise, devant se contenter d'adherer au Swedenborgian Rite of Primitive et O riginal Freemansonry, de John Yarker. Augustin Chabo seau eut une vie magonnique assez remplie. Initie a la loge VAction Socia liste du Grand Orient de France en mai 1907. il frequenta ensuite la loge du Foyer Magonnique. A partir de 1919. il delaissa cette loge pour frequenter 1'obedience du Droit humain. Depuis 1889, Papus avait rcussi a maintenir YInitiation, une revue mensuelle. mais au milieu de Tannee 1912, des difficultes se font jour. Les revues de juillet el aout ne sonl publiees qu'en septembre dans un numero triple. Ce numero marque la fin d’une revue qui aura mar que I'histoire du Martinisme. Papus semble conscient des faiblesses de son entreprise. D'ailleurs, sa rencontre avec le guerisseur et mystique Philippe de Lyon Tavait conduit a prendre ses dis tances avec Toccultisme. Desormais, il s'interessait davantage a la mystique. En compagnie de Philippe de Lyon, il se rendit plusieurs fois en Russie a partir de 1901, et les deux hommes entrerent dans I'intimite de la famille duTsar. II est pos sible que la resurgence en France des Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte (R.E.R), rite magonnique-martiniste fonde jadis par Jean-Baptiste Willermoz puis reveille par Edouard de Ribaucourt et Camille Savoire en 1910, ne soit pas etrangere a la remise en question de TOr dre Martiniste.
La m o r t de Pa p u s Avec la Premiere Guerre mondiale.
I'Ordre Martiniste tombe progressivement en sommeil. Chacun s'engage pour defendre sa patrie, et Papus, qui considere le devoir envers son pays comme sacre, se porte volontaire pour le front. II est medecin-chef, avec le grade de capitaine. Augustin Chaboseau, reforme pour raison de sante. prend contact avec son vieil ami Aristide Briand. qui est devenu Ministre de la Justice. Ce dernier 1'engage comme secretaire particulier, place qu'il occupera jusqu’en 1917. Comme medecin militaire, Papus s'epuise a la tache. Devenu diabetique, il contracte aussi la tuberculose et meurt le 25 octobre 1916. Avec la guerre, les membres du Supreme Conseil de I'Ordre Martinisle sont disperses, et on ne peut pas proceder a 1'election d'un nouveau Grand Maitre. Augustin Chaboseau indiquera d'ailleurs que contrairement a ce qui est affirme parfois, Charles Detre, dit Teder (1855-1918), ne fut pas elu a cette fonction par le Supreme Conseil. Quelques annees plus tard. un Martiniste de la premiere heure. Jollivet Castelot. dira : « Avec Papus. le Martinisme est mort » ( Essai de Synthese des Sciences Occultes, 1928). Plusieurs disciples tenteront pourtant de prendre la direction de I'Ordre. et il se crea alors plusieurs groupes revendiquant chacun Theritage de Papus. Beaucoup de Martinistes prefereront ne pas s’associer a de tels projets et choisiront de rester independants. Les choses changeront en 1931. lorsque les survivants du Supreme Conseil de I’Ordre se joindront a Augustin Chabo seau pour reveiller le Martinisme originel sous le nom d 'Ordre Martiniste Traditionnel. Christian Rebisse
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ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS S E R IE n°38
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LE M A R T I N I S M E
Le Martinisme moderne et ses obediences (1920 a 2010) a Premiere Guerre mondiale avait des responsabilites importantes a considerablement reduit les activil’epoque de Papus. mais il n’existe aucun tes de 1*Ordre Martiniste, et la element permettant de demontrer que mort de Papus, survenue deux ans avantPapus 1’ ait designe comme son succes le retour a la paix, avait entraine la confu seur. Du reste. les survivants du Conseil sion parmi les Martinistes. D'une masupreme de l’Ordre, comme Augustin niere plus ou moins reguliere, certains Chaboseau et Victor-Emile Michelet, ont d’entre eux tenterent de faire revivre toujours conteste cette designation. TOrdre, sans toutefois parvenir a lui reJean Bricaud. personnage original, fut donner son unite. C ’est de cette situation une figure centrale du Martinisme lyonconfuse que sont nees les diverses obe nais. II appartenait a YEglise Gnostique, diences martinistes que nous connaissons l’une de ces Eglises marginales Heurisaujourd’hui. Leur genese etant complexe, sant alors en France. Afin de ne pas sornous nous contenterons d ’evoquer les tir de notre sujet, nous n'evoqucrons pas plus importantes. les peripeties de ce mouvement fonde par Jules Doisnel en 1889, a la suite d ’une J ea n B r ic a u d experience spirite chez Lady Caithness. En 1919. deux Martinistes revendiquent Nous dirons simplement que l’ Eglise la succession de Papus : d ’une part Jean Gnostique dans laquelle Jean Bricaud Bricaud (1881-1934) a Lyon, et d’autre etait eveque sous le nom de Tau Jo part. Victor Blanchard (1878-1953) a hannes, puis sous celui de Mgr Jean II. Paris. Le premier ne se presente pas ne suffisait pas a cet homme dynamique comme le continuateur direct de Papus, et ambitieux. Apres la mort de Teder. il mais de Charles Detre (1855-1918). dit se rendit a Paris et presenta aux Marti Teder. II rapporte que ce dernier avait nistes de la capitale un document attes succede a Papus et precise qu’avant de tant de sa nomination a la tete de l'Ordre. passer a l’Orient eternel. le 25 septembre Ces derniers furent sceptiques devant un 1918 a Clermont-Ferrand, Teder 1’aurait document que Bricaud avait probabledesigne comme son successeur. Preciment compose lui-meme. Cette situation sons qu’aucun temoin n’etant present a ne le decouragea pas pour autant. De re cette occasion, ces affirmations sont fratour a Lyon, il reussit a rassembler sous giles. II est vrai que Teder avait occupe son autorite un petit groupc de Marti nistes.
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L e s M a r t in is t e s ly o n n a is
Jean Bricaud se veut successeur de Teder
II semble que Jean Bricaud tenta de repondre aux critiques formulees par Edouard Blitz, a propos de la filiation entre le Martinisme instaure par Papus el celui du X V III1' siecle. en proposant d’associer plus directement ces deux mouvements. II reecrivit totalement les rituels martinistes en leur ajoutant des elements puises dans les catechismes de l’Ordre des Elus-Cohen. que Papus avait publics en appendice de son livre : Martines de Pasqually (Chamuel, 1895). Desormais, 1‘ initie au premier grade etait designe « Associe de l’Ordre Martiniste et Apprenti Cohen, Maitre Secret de la Su preme Maqonnerie initiatique et Illuminee ». Au premier abord, les textes composes par Bricaud sont seduisants ; on y sent la demarche d'un homme qui tente de trou ver des points de passage entre l’Ordre fonde par Papus et celui instaure par Martines de Pasqually. Cependant, en y regardant de plus pres, on constate que ce choix est pernicieux, car il donne naissance a un « Martinisme hybride » qui non seulement melange le Martinisme avec les Elus-Cohen. mais esalement
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Victor B la n ch a rd G ra n d M a itre de l'Ordre M artin iste et Synarchique
avec I'Eglise Gnostique el la Franc-Maconnerie de Memphis-MisraVm. On peut se demander comment Jean Bricaud pou vait pretendre perpetuer l’Ordre fonde par Papus el Augustin Chaboseau,
Schem a d'un tem ple m artiniste, selon le ritu el de Teder, en 1913
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DOSSIER puisqu'il Pavait totalement denature ! Le mouvement de Jean Bricaud resta d'abord essentiellement lyonnais, mais il connut par la suite une certaine extension grace a la revue les Annates initiatiques. Jean Bricaud chercha alors des appuis aupres de quelques Ordres ayant jadis participe au Congres Spiritualiste de 1908. II se liera a des personnalites parfois douteuses comme Theodor Reuss (O.T.O.) ou McBlain Thomson (American Masonic Federation in America). Apres la mort de son fondateur, en 1934, le Martinisme lyonnais passera sous la direction de Constant Chevillon. Nous reviendrons sur sa succession un peu plus loin.
ROBERT AMBELAIN Le* Survkances Initio liquet I
L e Martinisme contemporaln ct ses ventablcs engines
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L e T e m p l e d ' E s s e n ie
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Avec la Premiere Guerre mondiale, de nombreux Martinistes qui avaient cree des loges dans des pays etrangers etaient rentres en France. C ’etait notamment le cas d ’Eugene Dupre (1944) et de Deme trius Platon Semelas (1883-1924), qui avaient fonde le Temple d'Essenie au Caire. en 1911. Cette loge martiniste avait obtenu une certaine independance, et Papus lui avait accorde le droit de creer des loges sous sa responsabilite. A Paris, Semelas etait entre en contact direct avec Papus, et une relation de confiance s'etait etablie entre les deux hommes. Etant donne que VOrdre Kabhalistique de la Rose-Croix, qui constituait autrefois le cercle interieur de I'Ordre Martiniste. etait entre en sommeil. ils envisagerent de le remplacer par celui de la RoseCroix d'Orient, dont Semelas etait le representant. Papus avait egalement charge Semelas d'etablir un accord entre I’Ordre Martiniste et le Rite Ecossais Rectifie. En septembre 1916, il servit d’emissaire entre Papus et Edouard de Ribaucourl (1865-1936), dans un projet ayant pour but de creer une loge susceptible d ’accueillir les membres des deux Ordres. La mort de Papus. dans les jours qui suivirent ces contacts, empecha Paboutissement de ce projet.
Le M artinism e, de Ju les Boucher -1949
L e s A m is d e C l a u d e d e S a in t - M a r t in
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Platon Dem etrius S6m6las
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Apres la guerre, D. P. Semelas continua ses activites martinistes en compagnie de son adjoint Eugene Dupre. 11 fonda le Groupe Independant d'Eludes Martinistes et s'associa bientot avec Victor Blanchard (1877-1953). Ce dernier, chef de service des archives a la Chambre des deputes, etait alors I'unes des personnalites les plus importantes du Martinisme parisien. A 1'epoque de Papus, il dirigeait la loge Melchissedec. qui avait etc elevee en septem bre 1911 au statut de Grande Loge de POrdre Martiniste. Aux cotes de Papus, Victor Blanchard avail joue un role fondamental dans Porganisation du Congres Spirit uuliste de 1908. Apres la Premiere Guerre mondiale. une partie des Marti nistes parisiens reconnaissaient en lui le nouveau Grand Maitre de I’Ordre. Enjanvier 1919. un traite d’alliance entre le Groupe Independant d'Etudes M arti
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A rcane du Tableau N aturel dessin d e M a rcel Dupre
nistes de Semelas et celui de Victor Blan chard fut scelle. L'instabilite de Victor Blanchard conduisit assez rapidemcnt D. P. Semelas et Eugene Dupre a s'orienter vers d'autres projets. En mai 1920. ils fonderent Passociation Les Amis de Claude de Saint-Martin, egalement denommee Ordre Martiniste, en s’adjoignant des anciens amis de Papus : * Augustin Chaboseau. Victor-Emile M i chelet. Lucien Chamuel et Octave Beliard. Cette association donna naissance au groupe Athanor, dirige par Victor * Emile Michelet. Quelques annees plus tard. en 1931, il fut a Porigine de Pemer gence de I'Ordre Martiniste Traditionnel.
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Lettre de Victor Blanchard a Harvey Spencer Lew is, dat£e du 30 ju ille t 1937
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LE M A R T I N I S M E
conferences au Palais de la Mutualite. Pendant cette periode, I'O.M.T. est proche de la revue Atlantis, et VictorEmile Michel et Octave Beliard president le Banquet Flatonicien donne par la revue en 1931 et 1932.
L 'O r d r e M a r t in is t e ET SYNARCHIQUE En prenant son independance, Victor Blanchard donna unc note particuliere a son groupe en le baptisant, a partir de novembre 1920 : VUnion Gene rale des Martinistes et des Synarehistes, ou Ordre Martiniste Synarchique (O.M.S.). S' il ajoute au nom de l’Ordre le qualificatif de « synarchique ». c’est par deference a Saint-Yves d’Alveydre, qui fut le maitre intellectuel de Papus. Tout comme Jean Bricaud Victor Blanchard revendiquait la succession de Papus. L’un et 1’autre se livrerent a une « guerre » de communiques en se presentunt chacun comme etant le seul legitime. Ainsi, dans le numero de fevrier du Voile d'Isis (1921), Victor Blanchard passe une annonce dans laquelle il rappelle que « YOrdre M arti niste ancien et prim itif, denomme lesalement Ordre Martiniste et Synarchiqite, a repris officiellement ses travaux le 3 janvier 1921, et que sa premiere tenue a ete consacree a 1'inauguration solennelle et rituelique du Supreme college de synthese initiatique d*Occident ». II precise que lors de cette reunion, il a donne lecture des chartes delivrees par Papus et Teder a lui-meme, et qu'en consequence les Martinistes doivent se rallier a lui avant le l cr mai. Passe ce delai, il estime que toute autre formation martiniste sera declaree illegitime. Beau coup de Martinistes, etonnes par cette si tuation. prefererent rester independants. Ainsi en fut-il de membres aussi illustres qu'Augustin Chaboseau et de plusieurs survivants du Supreme Conseil de 1891. comme Victor-Emile Michelet. Sous la direction de Victor Blanchard. l'Ordre Martiniste et Synarchique aura d'abord une activite ties reduite. Ce n'est qu'a la suite de la creation de la Federa tion Universelle des Ordres et des Societes Initiatiques (EU .D.O .S.I.), en 1934, que 1'Ordre prendra de 1'extension. Mais peu de temps apres sa creation, soit des la fin des annees 1920. Victor Blanchard delaissa ses responsabilites pour prendre part aux activitcs des Folaires, un Ordre fonde par Zam Bhotiva (Cesare Accomani). Ce dernier, grace a la methode de « 1'oracle de force astrale », pretendait etre en relation avec un centre esoterique rosicrucien de 1'Himalaya. Rene Guenon s’interessa pendant un temps aux Polaires : c’est lui qui relut et corrigea le manuscrit de YAsia mysteriosa, manifeste public par Zam Bhotiva en 1930.
L 'O r d r e M a r t in is t e T r a d it io n n e l En 1931. alors que le Martinisme reste divise, les membres du groupe Athanor se decident a sortir de 1'ombre. L'un d'eux, Jean Chaboseau, suggere a son pere. Augustin, de reprendre la situation en main en retablissant l’Ordre Marti niste sur ses bases initiates. N'oublions pas qu'Augustin Chaboseau avait etc avec Papus le cofondateur de l’Ordre
P h il ip p e E n c a u s s e
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Pantacle m artiniste de I'O.M.T.
Martiniste. II reunit autour de lui les derniers survivants du Supreme Conseil de 1891 : Victor-Emile Michelet et Lucien Chamuel. Rappelons egalement que Victor-Emile Michelet avait etc un membre important de l’Universite Hermetique et le dirigeant de la loge Velleda. Quant a Lucien Chamuel, il avait etc 1'organisateur materiel de l'Ordre, et c'est dans l'arriere-boutique de sa librairie que s’etaient tenues ses premieres activitcs. Reunis autour d'Augustin Chaboseau. ces derniers decident, le 24 juillet 1931, de reveiller le Martinisme sous son as pect authentique et traditionnel. Pour le distinsuer des nombreuses organisations pseudo-martinistes existant alors. ils ajoutcnt au nom de l'Ordre le qualificatif de « Traditionnel ». Par cet ajout. et comme I'indiqua Robert Ambelain, les survivants du Supreme Conseil de 1891 revendiquent « la perennite de l'Ordre fonde par eux avec Papus » {Le M arti nisme, 1946). L'Ordre Martiniste Tradi tionnel (O.M.T.) n'est done pas un nouvel Ordre, mais la remise en activite de celui fonde par Papus et Chaboseau.
Philippe Encausse (1906-1984), le propre fils de Papus, rejoint bientot VOrdre Martiniste Traditionnel et devient mem bre de son Supreme Conseil. II s’en re tire en fevrier 1932, pretextant qu'il n'admet pas la presence de Francs-Magons dans l'Ordre. II fonde Les Amis de Papus, une association charitable, et ecrit un livre a la memoire de son pere : Papus, sa vie, son oeuvre (ed. Pythagore, 1932). Chose surprenante. le passe martiniste de Papus est a peine evoque dans cet ouvrage. Jean Reyor s’en etonnera : « II semble qu'on ait systematiquement laisse de cote tout ce qui eut pu etre vraiment interessant dans la Ciirriere si active de cet etonnant Papus... Pas un mot sur la constitution et sur la vie de cet Ordre Martiniste dont Papus etait Panimateur...». (Le Voile d'Isis, decembre 1932.)
M a r t in is m e e t
F.U.D.O.S.I.
Pendant ce temps, loin de la vie parisienne, Jean Bricaud etend ses activitcs tout en propageant le rite de MemphisMisraim en Europe. Cependant. son au torite ne fait pas l'unanimite. notamment en Belgique. Ces problemes sont a l'origine d'une scission de la part des Marti nistes belses. Profitant de la mort de Jean Bricaud au debut de 1934, ils annoncent dans la revue Adonhiram, organe officiel
V ic t o r - E m il e M ic h e l e t On procede a l'election du Grand Maitre. Comme le veut la Tradition, c’est le membre le plus ancien. Augustin Chabo seau. qui est choisi pour assurer cette fonction. Celui-ci ne fera guere usage de ce titre, car des avril 1932, il prefere transmettre cette charge a Victor-Emile Michelet (1861-1938). Ecrivain remarquable. passionne d'esoterisme et de l i terature, ce dernier est I'auteur de poemes. de contes, de pieces de theatre et de textes sur l'esoterisme. Ami avec les plus grands ecrivains de son epoque, il exerce d'importantes responsabilites dans le monde des lettres. II est President de la Societe de Foesie (1910) et de la So ciete Beaudelaire (1921), puis membre du Conseil de la M aison de la Foesie (1931), et enfin batonnier de YAcademie des Foetes (1932). Sous sa direction, l'Ordre reste relativement discret. II tient ses reunions au siege du Grand Prieurc des Gaules du docteur Camille Savoire. II se manifeste quelquefois a travers le groupe Tan, qui public alors un bulletin d'etudes psychologiques et metapsychiques. et qui organise des
Victor-Emile M ichelet, Grand M a itre de I'O.M.T. de 1931 d 1938
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Sym bole d e la F.U.D.O .S.I. (Federation Universelle des Ordres et Soci6t6s Initiatiques)
de YOrdre Oriental du Rite A nd en et Pri m itif de Meniphis-Mismim beige, la crea tion de deux loges martinistes independantes : Uriel a Bruxelles et 77phereth a Strasbourg (revue Adonhirum, printemps 1934). Pour sortir de leur isolement, les occultistes beiges tentent de s’allier avec d’autres mouvements initia tiques. Ils se tournent alors vers Victor Blanchard qui dirige a la fois les activi tes de TOrdre Martiniste et celle de Memphis-Misrai'm. Cette demarche, initiee par les spiritualistes beiges, est a Forigine de la creation de la Federation Universelle Des Ordres et Societes In i tiatiques ( F.U.D.O.S.I). Cette organisa tion. qui veut federer les mouvements initiatiques, tient son premier Convent a Bruxelles, en aout 1934. Cette situation offre a Victor Blanchard une opportunity unique pour reconstituer 1*unite du Mar tinisme. Pourtant, beaucoup de Marti nistes sont absents, notamment ceux de I’Ordre Martiniste Traditionnel, qui n’a pas souhaite participer a cette manifesta tion. Profitant de cette absence, Victor Blanchard se fait reconnaitre comme Souverain Grand Maitre par les Marti nistes presents. Georges Lagreze (18831946), qui a lui aussi deiaisse le groupe de Jean Bricaud — dont Constant Chevillon (1880-1944) est devenu le dirigeant — . devient son Substitut. C ’est lors de 1’une des premieres reunions de la F.U.D.O.S.I. que Victor Blanchard auto rise Harvey Spencer Lewis (1883-1939), Imperator de YAncien et Mystique Ordre de la Rose-Croix,7 a creer des loses de c TOrdre Martiniste Synarchique aux Etats-Unis. Helas, Victor Blanchard ne se montre pas a la hauteur de sa mission, et les activites de I'Ordre Martiniste Synarchique se limitent le plus souvent a la transmission des initiations aux divers desres. L’Ordre n’a pas d’existence reelle, car Victor Blanchard n’a pas cree de loge martiniste a Paris. II se consacre davantage a la Fraternite des Polaires qu’ il dirige depuis 1933. C'est dans le temple de cette orga nisation. situe a son domicile, au 26 de la
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rue Junot, a Paris, qu’ il confere ses ini tiations. Beaucoup de Martinistes ne comprennent pas cette attitude, et Georges Lagreze, le Substitut de Victor Blanchard, menace de faire secession. Finalcment, en 1939. il prend la tete d’ une delegation qui va rencontrer le Grand Maitre de I’Ordre Martiniste Tradition nel. Depuis la mort de Victor-Emile Miche let, decede le 12 janvier 1938, c’est A u gustin Chaboseau qui dirige I’O.M.T. Ce dernier accepte de prendre en main les destinees du Martinisme au sein de la F.U.D.O.S.I. Des le mois de juillet 1939, il donne de nouvelles chartes aux loges qui passent sous sa direction. L’O.M.T. sort alors de la confidentialite pour pren dre une dimension internationale. II se developpe notamment aux Etats-Unis, grace a Ralph Maxwell Lewis (19041987), nouvel Imperator de l’A.M.O.R.C. Celui-ci re^oit d ’Augustin Chaboseau une charte de Grand Maitre Regional / C pour les Etats-Unis d ’Amerique. et de vient membre du Supreme Conseil Inter national de I’Ordre.
La g u e r r e de 1 9 3 9 -1 9 4 5 La Seconde Guerre mondiale va compromettre le developpement du Marti nisme. Elle aura en effet de lourdes consequences, car nombre de ses membres vont perdre la vie sur les champs de bataille ou dans les camps de concentra tion. En France, des le 14 aout 1940, le Journal Officiel public un decret du gouvernement de Vichy interdisant toutes les societes secretes. La piupart de leurs responsables sont alors arretes, et I’Ordre Martiniste Traditionnel entre officiellement en sommeil. Pendant cette periode, Ausustin Chaboseau et Victor Blanchard subisscnt perquisitions et interrogatoires. Georges Lagreze est lui-meme oblige de se cacheren Normandie, puis a Angers. II reussit cependant a resteren relation avec Ralph M. Lewis par I’intermediaire de Jeanne Guesdon (1884-1955), Grand Se cretaire de la juridiction francophone de I’A.M.O.R.C. Cette derniere assure esalement les fonctions de Grand Secretaire de I’O.M.T. en remplacement de Jean Chaboseau, qui est mobilise. La r e s u r g e n c e des E lus -Co h e n Malgre cette situation, deux loges. Athanor et Broceliande, restent secrete me nt actives et conferent quelques initiations. C ’est ainsi qu’en 1942. Robert Ambclain (1907-1997) est re^u dans YO.M.T. D ’abord au premier degre, par Georges Lagreze assiste d ‘ Henry Meslin et de Jean Chaboseau, puis aux grades suivants par Henry Meslin. Georges Lagreze prend par la suite quelques libertes. Avec 1'aide de Robert Ambelain, il tente en septembre 1942 de restaurer I’Ordre des Elus-Cohen. Or, aucun d’eux n’a etc ini tio dans cet Ordre, etant donne qu’il est en sommeil depuis la fin du xvnr siecle. Jean Chaboseau denonce cette imposture et reproche a Georges Lagreze d ’avoir
ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS SERIE n°38
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Constant Chevillon
confere a Robert Ambelain des hauts grades (du 4Cau 33c et les 55c, 66L \90° et 95c de Memphis-Misrai'm), alors que ce dernier s’etait montre incapable de prouver qu’il etait titulaire du grade de M ai tre. Jean Chaboseau jugeait la chose d’autant plus grave que Robert Ambelain profita de l’occasion pour transformer des « profanes en Maitres Ecossais d’un coup de maillet ». II explique en detail cette aventure dans une lettre adressee a Jean-Henri Probst-Biraben, le 21 janvier 1947. II portera l’affaire devant les autorites ma^onniques : Camille Savoire et Dumesnil de Grammont. Ces problemes seront a I’origine d’ un conflit entre Jean Chaboseau et Robert Ambelain. L'a p r e s -g u e r r e A la fin de la guerre, en juin 1945. Au gustin Chaboseau organise une reunion dans le but d’ceuvrer a la reprise des ac tivites de YOrdre Martiniste Traditionnel. Une partie des membres s’ interroge sur l interet de reprendre des activites sous une forme obedientielle et rituelle. Apres quelques hesitations, Augustin Chabo seau decide de reveiller I’Ordre. Ceux qui ne souhaitaient pas s*y associer se groupent autour d’Octave Beliard, Robert Amadou, Paul Laugenie et Edouard Gesta, pour fonder Les Amis de SaintMartin, une association ayant pour voca tion d’etudier les oeuvres du Philosophe inconnu. Le Martinisme reprend done ses activites en France et a I’etranger. Helas, quelques mois plus tard, le 2 janvier 1946, la mort d’ Augustin Chaboseau entraine des complications. Le Supreme Conseil procede a I’election de son successeur. et c’est son fils. Jean Chaboseau. qui est designe pour occuper la fonction de Grand Maitre. Jules Boucher. Grand Secretaire de I’Ordre, conteste cette elec tion, estimant que ce dernier est trop jeune et ne possede pas un temperament apte a remplir cette tache. N ’obtenant pas sain de cause,7 il decide de se retirer. Octave Beliard, qui a pourtant beaucoup d’affection pour Jean Chaboseau. pense
LE M A R T I N I S M E
egalement quo son temperament d'artiste n'est guere adupte a cette fonction. L’avenir montrera qu'il avait raison, car malgre sa bonne volonte, Jean accumule les echecs. En Belgique, Jean Mallinger, l’un des membres les plus en vue de la F.U.D.O.S.I., le soupgonne de vouloir de stabiliser la Federation en etablissant des relations privilegiees avec les dirigeants de la Societe Theosophique. Finalement, les Martinistes beiges refusent de reconnaitre le nouveau Grand Maitre. Apres avoir hesite a faire appel a Victor Blan chard, ils font une nouvelle fois secession en creant une obedience independante : Y Ordre Martiniste UniverseI (O.M.U.) dont Rene Rosart prend la direction. Aux * Etats-Unis, Ralph M. Lewis, Imperator de l ’A.M .O.R.C., ne les approuve pas. Comme Jeanne Guesdon. il reste fidele a ses engagements envers Jean Chaboseau. En definitive l’Ordre Martiniste Universel restera quasi inactif, et apres la mort de Rene Rosart en 1948, son successeur. le docteur Edouard Bertholet (18831965). le laissera s'eteindre. (Precisons que contrairement a ce qu’affirmait Louis Bentin, ce dernier ne succeda pas a Victor Blanchard a la tele de l’Ordre Martiniste Synarchique.)
Cependant. cette position est contestee par nombre de Martinistes qui ne comprennent pas que cette question n'ait pas etc soumise au Supreme Conseil, seule autorite habilitee a prendre une telle de cision. Victor Blanchard lui-meme incite les Martinistes a ne pas accepter la mise en sommeil dcmandee par Jean Chabo seau. et c ’est pour cette raison que I'O.M.T. restera actif aux Etats-Unis.
servira de vivier a Robert Ambelain pour donner de 1‘extension a son propre mou vement, qui devient rapidement son cer cle interieur. Loin du microcosme parisien, le Marti nisme lyonnais poursuivait son chemin. En 1934. Constant Chevillon (18801944) avait succede a Jean Bricaud pour une courte duree, car il fut assassine le 22 mars 1944 par la Milice. A la suite de cet evenement, le groupe avait connu plu sieurs successeurs. D'abord HenryCharles Dupont (1877-1960), qui demissionna fin 1945 et qui fut remplace piu- Pierre Debeauvais (1885-1974). Mais quelque temps plus tard, Henry-Charles Dupont voulut reprendre son titre. et les membres de l’Ordre finirent par se ran ger de son cote. Dans les annees qui suivirent la guerre, le Martinisme lyonnais n’eut plus 1'activite qu'il avait connue au trefois. Du reste, son Grand Maitre vivait alors a Coutances, en Normandie.
L 'O r d r e M a r t in is t e R e c t if ie Jules Boucher (1902-1955) reste egalcment convaincu de la legitimite de I'Or dre fonde par Papus et Chaboseau. Cependant, il estime necessaire de revenir a un Martinisme plus sobre, ne comportant qu'un seul grade, comme ce fut
L 'U n io n d e s O r d r e s M a r t in is t e s En octobrc 1958, Robert Ambelain et Philippe Encausse prennent contact avec Henry-Charles Dupont pour l’inviter a se joindre a eux en adherant a Y Union des Ordres Martinistes, un groupe qu'ils viennent de fonder pour rassembler les divers courants martinistes. HenryCharles Dupont accepte cette proposition qui rassemble Y Ordre Martiniste de Phi lippe Encausse et I ' Ordre Martiniste des Elus-Cohen de Robert Ambelain. Pour marquer sa difference et mettre en evidence la note Elus-Cohen que Bricaud avait donnee a son groupe. il prend alors
U n e p e r io d e d e c o n f u s io n Jean Chaboseau senl que l'Ordre lui echappe, et la publication d ’un article d’Octave Beliard, dans lequel ce dernier exprime ses doutes sur la regularite de la filiation regue par les fondateurs de 1*Or dre Martiniste, contribue encore plus a le destabiliser (Colliers de I'Homme-Esprit. decembre 1946). Jean Chaboseau est d’autant plus aflecte qu'il suit que Robert Ambelain prepare un ouvrage ou il uti lise cct argument pour pretendre que seul l ’Ordre des Elus-Cohen. renove en 1942, propose une voie authentique (Le M arti nisme contemporain et ses veritables origines, mars 1948). Devant tant de critiques et d'impostures, et se sentant attaque de toutes parts, il prefere mettre 1’Ordre en sommeil en septembre 1947.
Sym bole de l'O rdre M artin iste R e c tify
le cas pendant la periode qui preceda la creation de l’Ordre. C ’est pour cette rai son qu’il cree en 1948 YOrdre Martiniste Rectifie. un mouvement qu’il veut centrer essentiellement autour de la pensee de Louis-Claude de Saint-Martin. II s’en expliquera dans un article intitule Du Martinisme et des Ordres martinistes (Le Symbolisme, sept. 1950). Mais a la fin de l’annee 1951. il est victime d’une crise cardiaque qui le prive de l’energie neces saire a la realisation de son projet. II decedera d’ailleurs quelques annees plus tard. en 1955.
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L 'O r d r e M a r t in is t e d e P h il ip p e E n c a u s s e Deux ans apres le retrait de Jean Chabo seau. Philippe Encausse publie Sciences occultes, on 25 annees d 'occultisme (1949). Bien qu’il reproduise dans cet ou vrage la lettre de demission de Jean Cha boseau, il ne semble pas partager totalement son avis el invite les disciples de Papus et d* Augustin Chaboseau a refaire une « chaine d'union ». Robert Am belain repond a cet appel et propose de relancer le Martinisme en France. Ce sera chose faite en 1952. Cette opportunity permettra a Robert Ambelain de beneficier de l ’appui du fils de Papus, pour donner plus d’envergure a son Ordre des Elus-Cohen. qui ne rencontre guere de succes. Philippe Encausse devient le Grand-MaTtre d'un Ordre Martiniste qui
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Ic nom d'Ordre Martiniste-Martineziste. Henry-Charles Dupont est alors age de 81 ans. Aussi, les responsables de rU nion lui conseillent-ils de confier sa succession a Philippe Encausse. Ce sera chose faite le 13 aout 1960. soil deux mois avant sa mort. LOrdre de Lyon se trouvera alors absorbe par celui dirige par Philippe Encausse. Quant a I'Ordre Martiniste Traditionnel. il poursuivait ses activites aux Etats-Unis sous la direction de Ralph M. Lewis. En juin 1959, Ivan Mosca. Souverain Grand Delegue general de VOrdre Martiniste des Elus-Cohen, fut mandate pour 1'inviter a se placer sous Vautorite de 1‘Union des Ordres Martinistes. Ralph M. Lewis pre fera rester a l'ecart. En effet, par la correspondance qu’il avait echangee avec Jean-Chaboseau. il connaissait parfaitement les graves accusations pesant sur Ro bert Ambelain. On comprendra qu'il prefera ne pas s’allier avec ce groupe. De toute maniere, I'Union des Ordres Marti nistes n'aura bientot plus de raison d’exister. car les groupes de Philippe Encausse et de Robert Ambelain se fonderent en un seul Ordre. le premier conslituant le cercle exterieur et le second le cercle interieur. Ce mariage se termina neanmoins par un divorce. En 1967, Robert Ambe lain, qui avait d'autres projets, demissionna au profit d ’lvan Mosca (1915-2005), qui redonna a YOrdre des Elus-Cohen son independance. Cependant. inquiet de la legitimite de la resur gence de I’Ordre pendant la guerre 1919-1945. Ivan Mosca prefera le mettre en sommeil des l'annee suivante (22 avril 1968).
L 'O r d r e M a r t in is t e I n it ia t iq u e A 1'epoque oil les etudiants parisiens se revoltent, en juin 1968, soit un an apres sa demission, Robert Ambelain jette un « pave dans la mare » en lancant la crea tion d'un nouveau mouvement : YOrdre Martiniste Initiatique. II expedie alors a toutes les obediences martinistes un do cument de sept pages intitule : Ordre Martiniste Initiatique - Origine, Principe et Modalite de la “rectification ” de 1968. Ce lexte denonce comme sans valeur toutes les organisations martinistes.
celles auxquelles il a apparlenu et les autres, car il estime qu’elles ne possedent pas de filiation initiatique reelle. Robert Ambelain precise neanmoins qu’il a decouvert que Louis-Claude de Saint-Mar tin avait fonde un « Ordre secret » entre 1778 et 1782, le Regime Rectifie, que le prince Galitzine aurait developpe en Russie. Le Regime Rectifie de Saint-Martin aurait survecu a travers quelques inities qui auraient confere cette filiation a Ro bert Ambelain. Celui-ci se proposait done de « regulariser » tous les Martinistes issus de I’Ordre fonde jadis par Papus et Chaboseau. En fait, la filiation russe revendiquee par Robert Ambelain releve du romantisme, pour ne pas dire de la pure fiction. Ro bert Amadou lui-meme la considere comme inexistante, car Saint-Martin n'a jamais fonde un tel mouvement. D 'a il leurs, aucun document ne permet de donner un poids quelconque aux affirmations de Robert Ambelain. Ce dernier finira par se retirer de cet Ordre. pour se lancer dans d'autres aventures... Destabilise. I'Ordre Martiniste de Philippe Encausse n'en continua pas moins d'exister. De puis 1979, c'est Emilio Loren/.o qui en assure la direction. Ce groupe publie la revue YInitiation.
L 'O r d r e M a r t in is t e T r a d it io n n e l Pendant ce temps. I’Ordre Martiniste Tra ditionnel continuait ses activites aux EtatsUnis. car Ralph M. Lewis avait conserve son titre de Grand Maitre Regional. Apres etre reste relativement confidentiel. cet Ordre se developpa dans plusieurs pays, grace au parrainage de YAncien et Mys tique Ordre de la Rose-Croix (surce mou vement, voir le hors serie n° 36 de Actualite de I'Histoire , sept.-oct. 2009). Sous la supervision de Ralph M. Lewis, devenu le Souverain Grand Maitre de I’O.M.T.. il se reimplanta en France au debut des annees 1960. 11 y connut rapidement une grande activite en ouvrant des heptades (nom designant les loges de I’O.M.T.) dans de nombreuses villes. Parallelement, il s’etendit dans le monde entier pour devenir I’un des mouvements martinistes les plus importants. En France,
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ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS S E R IE n°38
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Certificat d'initiation d e Serge Toussaint, Grand M aitre de la ju rid iction francophone de I'O .M .T
il possede une publication annuelle, la revue Pantacle, ties appreciee des Marti nistes et des Francs-Ma^ons. Actuellement. c'est Christian Bernard qui est le Souverain Grand Maitre de I'Ordre Mar tiniste Traditionnel, et c'est Serge Tous saint qui en est le Grand Maitre pour la juridiction francophone. Pour conclure ce panorama des obe diences modernes du Martinisme, on peut dire que malgre les differends qui opposerent autrefois les tenants du Mar tinisme. cette Tradition, cousine de la Franc-Magonnerie et de la Rose-Croix. reste aujourd'hui ties vivante. Deux siecles apres la mort de Louis-Claude de Saint-Martin et un siecle apres sa reno vation par Papus et Augustin Chaboseau. elle est representee par deux mouvements majeurs : I'Ordre Martiniste Traditionnel. et I'Ordre Martiniste. Elle a egalement donne naissance a un nombre important de rameaux dont il serait fastidieux de faire l’inventaire. Si la plupart d'entreeux n’ont eu qu’une existence ephemere, ou ne constituent le plus souvent que des groupes marginaux, ils temoignent nean moins de l'interet que le Martinisme ren contre aupres de ceux qui s’ interessent a la Tradition occidentale et a I’esoterisme.
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Christian Rehisse
LE M A R T I N I S M E
Louis-Claude de Saint-Martin, sa vie, son oeuvre Le Martinisme, tel que le suivent de nos jours les Martinistes, se rattache a la vie et a I'ceuvre de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1903), connu egalement sous le pseudonyme de « Philosophe Inconnu ». Nous ne pouvons done faire Timpasse sur une biographie de ce personnage hors du commun, considere comme I'un des plus grands esprits franca is du X I /III*™ siecle. « II y a trois vilies en France dont l'une est mon paradis, et c'est Strasbourg... ». C ’est en ces termes que Louis-Claude de Saint-Martin parlera plus tard dans son « Portrait » de cette ville de France oil il vecut trois ans. On etait alors en pleine periode revolutionnaire, et ce furent pourtant trois annees d'un itineraire interieur oil une alchimie subtile s’opera en lui. C'est la aussi qu'il tourna une page de sa vie en decouvrant en leur langue originelle les ecrits du mystique allemand Jacob Boehme.
L e P h il o s o p h e I n c o n n u Celui qu'on appela le « Philosophe Inconnu » est age de 45 ans quand il arrive a Strasbourg, ce 6 juin 1788. A la veille de la Revolution, cette vieille cite d 'A l sace est consideree comme la ville fran<^aise la plus tolerante et la plus accucillante, oil se donnent rendez-vous les theosophes et les mystiques de tous les pays d'Europe pour s’entretenir librement. Ce X V III0 siecle est celui des Lumieres. oil la montee de Vesprit scientifique, de I'intelligence philosophique et du liberalisme religieux, illustres par la renommee de Voltaire. Diderot ou Rousseau, contraste avec une grande credulite confinant au merveilleux et bien sou vent au charlatan isme. Avant que l'epoque de laTerreur ne vienne tout interdire, on voit apparaitre dans la ville, des mages, des dev ins. des thaumaturges et des occultistes de toute sorte. Stras bourg est aussi une grande capitale ma^•onnique puisque, comme Lyon et Bordeaux, elle est le siege d'un des trois Directoires ecossais. Quelques annees auparavant, Cagliostro a sejourne a Strasbourg et opcre des guerisons miraculeuses en excitant son art. Cette ville est la capitale du Mesmerisme ; depuis la plus haute societe jusqu'au petit peuple. on y pratique le magnetisme prcsquc a chaque coin de rue. Le grand elan romantique du « Sturm und Drang » a effleure cette cite de son souffle en la personne de Goethe, qui, quelque vingt ans aupaiavant, a sejourne a 1’Auberge de I’Esprit avant de s’ installer rue du vieux Marche aux Poissons. II y avait pris un vif interet pour l'alchimie et y avait goute aux disciplines hermetiques sous les
Saint-M artin - dessin de Sim onetta Sa en ger (O .M .T.)
voutes basses, ornees de salamandres, de la pharmacie du Cerf. Est-ce aussi, comme Goethe, la fleche de la cathedrale, cet « ange de gres rose ». qui attira Saint-Martin, telle une aiguille aimantee fixant la direction de son etoile ? C'est en tout cas sous le signe de la Divine Pro vidence qu'il place son voyage en Alsace,
comme il le dit dans son « Portrait » : « Dieu nous livre quelquefois dans notre demarche terrestre a nos simples mouve ments vagues et indetermines, dans lesquels nous devons eprouver ou des contra rietes ou des privations, el cela a/in que nous axons I 'occasion d e.xercer notre patience et notre courage qui pour-
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S a je u n e s s e Mais qui etait done Louis-Claude de Saint-Martin ? Un gentilhomme du X V I I I 0 siecle. au caractere doux et aimahle, que Joseph de Maistre decrivait comme « le plus sage, le plus instruit et le plus elegant des theosophes niodernes ». Ne dans une noble famille d'Amboise le 18 janvier 1743. il manifeste ties tot des aspirations pieuses et idealistes, ainsi qu'une vive intelligence. Sa jeunesse est eclairee par Vamour d une belle-mere comprehensive qui marquera sans doute a jamais son co:ur en eveillant en lui de no bles sentiments. Conformement aux voeux de ses parents, il passe du college a Tecole de dioit et devient avocat. Mais cette profession ne repond pas a son ideal : deja nourri de lectures philosophiques. il abandonne vite la jurisprudence pourentrer dans la carriere des armes. II integre a 22 ans le regiment de Foix, en garni son a Bordeaux. N'allons pas croire que Par-
mee reponde mieux a ses aspirations profondes ! II detestait la guerre au nom de tous ses principes et de toutes ses affec tions. Mais le traite de Versailles, en mettant fin a la guerre de Sept ans, avait assure a 1’Europe un etat de paix qu’on augurait de longue duree, et laissait aux militaires beaucoup de temps de loisir. II embrassa done la carriere d* off icier pour continuer ses etudes favorites, cel les de la religion et de la philosophic.
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DESIR.
Pat rAitfcu*
S o n p r e m ie r M a it r e Les aspirations mystiques de Saint-Mar tin trouvent a Bordeaux un element plein de seduction : 1’un de ses amis officiers * est membre de I’Ordre des Elus-Cohen dirige par Martines de Pasqually. Celui-ci est un personnage mysterieux, verse dans la sagesse secrete, telle q if on la retrouve dans les enseignements esoteriques d’Egypte, de Grece et d’Orient. D ’originc israelite. il est devenu chretien et. dit-on, a re^u de Swedenborg, le pere de rilluminisme au X V III0siecle. un rite au titre biblique : « les Elus-Cohen ». Par quelles doctrines, quels talents et quel charisme. ce thaumaturge au francais imprecis et chantant, s’attacha-t-il SaintMartin, ce jeune philosophe de bonne naissance, au point de rester son premier
Saint-M artin - Extrait d e «Les N om bres» (1861)
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raient s'affaisser sans cela ». Plus loin, il dit encore : « M a seconde epoque a eu lieu dans tnon voyage a Strasbourg, voyage qui etait encore plus vague que le premier, quoique cependant j ’eusse deja quelques connaissances a Strasbourg... ».
Saint-M artin. Page titre de «L'Hom m e de d6sir» (1790)
Maitre ? C ’est que les enseignements de cet « evocateur d'anges » avaient de quoi seduire. II pretendait en effet que par les prieres et les vertus, l'homme peut recouvrer les pouvoirs premiers qu’il possedait a la Creation et que le Peche originel lui a fait perdre. Toujours est-il que Louis-Claude de Saint-Mai tin est initie dans I’Ordre des Chevaliers-Masons Elus-Cohen de l’ Univers a 1’age de 22 ans. Tout en s’interrogeant neanmoins sur les rites et les operations theurgiques ties complexes de cet Ordre, il parviendra au plus haul degre, celui de Reau-Croix. En 1771, Saint-Martin quitte 1’armee pour se consacrer au ministere spirituel auquel il se sent appele. II devient le se cretaire personnel de Martines de Pas qually et etablit des liens profonds d’ami tie avec lui. Mais en 1772. ce der nier quitte la France pour Port-au-Prince, en Haiti ; il y meurt deux ans plus tard. L’Ordre des Elus-Cohen tombe progressivement en sommeil, son fondateur ay ant emporte avec lui les doctrines qu’il enscignait. C ’est alors que Jean-Baptiste Willermoz, ancien disciple de Pasqually, rejoint avec d’autres Elus-Cohen la Stride Observance Templiere allemande et cree I’Ordre des Chevaliers Bienfai sants de la Cite Sainte. Ma^on convaincu et passionne, il imprime la note ma^onnique a 1’ heritage theurgique de Pas qually. Quant a Saint-Martin, il suit un tout autre chemin et etablit des contacts nouveaux avec de nombreux occultistcs a travers le monde. Lors de son dernier sejour a Lyon, LouisClaude de Saint-Martin rencontre MarieLouise de Monspey, une femme medium qui influenza profondement Jean-Baptiste Willermoz dans la creation de la Loge ma(^onnique de Lyon, dont les membres etaient recrutes parmi les Chevaliers Bien faisants de la Cite Sainte par cette femme
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qui se disait agent de la Puissance invisi ble. Le Philosophe Inconnu revicnt de cette rencontre profondement de^'u et plcin de disillusions. Mais laissons-le parler: « Une voie purlieu Here s 'esl ouverte a Lyon en 1785. J 'y jus appele pour partager la recolte. Au milieu des nombreuses richesses qu 'elle offrait, elle renfermail aussi de la fausse monnaie, et I ’on a fin i par s'en degouter. On y avait abuse du Nombre et de la Doctrine a moi connue anterieurement sur les animau.x. On y avait surtout abuse du gout de Willermoz pour la Maqonnerie, et on I ’avait mis partout. Je vins a cette initiation avec le desir le plus pur et fam e la mieux disposee. Mais comme je ne trouvais dans aucun genre d'aliment ce qu'il me fa llait, je me trouvais a la fin plus arriere qu'au com mencement ».
Q u e l q u e s p e n s e e s d e s a in t - m a r t in « L'homme est un etre charge de continuer Dieu la ou Dieu ne Se fa it plus connai tre Lui-meme ». (Le Ministere de I'Homme-Esprit). « C'est pour que I'homme porte sa tete dans les Cieux, qu'il ne trouve pas ici-bas de quoi reposer sa tete ». («Mon Livre Vert», n° 40). « La science est pour le temporel; I'amour est pour le divin. On peut se passer de la science, mais non de I'amour, et c'est par I'amour que tout finira, parce que c'est par I'amour que tout a commence et que tout existe ». («Mon Livre Vert», n° 415). « Les grandes choses ne s'enseignent que dans le silence. Nous ne pouvons nous lire que dans Dieu Lui-meme et nous comprendre que dans Sa propre splendeur... ». (« Ecce Homo »). « C'est un grand travail que de chercher a nous connaitre tels que nous som m es; mais ilfaut ensuite travailler a nous connaitre tels que nous devrions etre. Ces deux sciences sont liees et doivent continuellement nous occuper. Une troisieme science vient apres ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C'est qu'apres avoir appris a connaitre ce que nous devrions etre, ilfa u t travailler sans relache a le devenir ». («Mon Livre Vert», n° 993). « Crains les choses fo ciles: il est plus aise de converser que d'ecrire, plus aise d'ecrire que de prier, plus aise de prier que d'agir ». («Mon Livre Vert», n° 9). « Le secret de notre avancement consiste dans la priere, le secret de la priere dans la preparation, le secret de la preparation dans une conduite pure, le secret d'une conduite pure dans la crainte de Dieu, le secret de la crainte de Dieu dans Son amour. Ainsi, I'amour est le principe et le foyer de tous les secrets ». («Mon Livre Vert», n° 178). « Je ne puis trop le rep eter: Ilfa u t craindre Dieu avec mesure, mais ilfa u t I'aimer sans mesure ». («Mon Livre Vert», n° 431). « Primitivement, la tete devait etre reglee par le coeur; elle ne devait servir qu'a I'agrandir. Aujourd'hui, la tete de I'homme regne sur son cceur, tandis que c'est au coeur que le sceptre devait appartenir. C'est-a-dire que I'amour est superieur a la science, attendu que la science ne doit etre que le flambeau de I'amour, et que le flambeau est inferieur a celui qu'il eclaire ». («Mon Livre Vert», n° 58). « La seule initiation que je preche et que je cherche de toute I'ardeur de mon ame, est celle par ou nous pouvons entrer dans le coeur de Dieu, etfa ire entrer le cceur de Dieu en nous, pour y faire un manage indissoluble qui nous rend I'ami, le frere et I'epouse de notre divin Reparateur. II n'y a d'autre mystere pour arriver a cette sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la vivifiante racine; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre espece, se produiront noturellement en nous et hors de nous ». (Correspondante au baron de Kirchberger). « Purifie-toi, demande, regois, agis : toute I'oeuvre est dans ces quatre temps ». («Mon Livre Rouge»).
U n HOMME DE DESIR Suite a cette rencontre particuliercment decevante, Saint-Martin douta de la theurgie et fut convaincu qu'elle n’avait pas sa place dans Vceuvre de la Reinte gration. Et c'est cet homme de^u qui ar rive en 1788 a Strasbourg, accompagne de «• L'Homme de Desir », livre qu'il commenqa a Londres et qu'il finira dans la cite alsacienne : « Dieu est un eternel Desir et une eternelle Volonte d'etre manifeste, pour que son existence se pro page et s'etende a tout ce qui est susceptible de la recevoir et de la sentir. L'homme doit done aussi vivre de ce Desir et de cette Volonte, et il est charge d'entretenir en lui ces affections sublimes; car dans Dieu, le Desir vient rarement jusqu'a ce terme complet, sans lequel rien ne s ’op ere. Et c'est par ce pouvoir donne a I'homme d'amener son Desir jusqu'au caractere de Volonte q u 'il devrait etre reellement une image de Dieu ». Les premieres impressions de LouisClaude de Saint-Martin sur Strasbourg ne
Louis-Claude de Saint-Martin
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Jacob Boehm e, Portrait de von Gottlob Glymann ohne
semblent pas avoir etc ties favorables. La ville, ou deux langues et deux cultures se cotoient (fran^aise et allemande). ne lui inspire pas grand interet, pas plus que ne le seduit, derriere les belles facades des hotels particuliers, la societe qu'il frequente. II laissera dans son * Portrait » la note suivante : « J 'a i vu des homines qui n'etaient mat avec personne, mais dont on ne pouvait pas dire non plus qu 'ils y etaient bien ; car ils n 'avaient point assez de mesures developpees pour etre saisis de ce qui est vrai et vif ni pour etre choques de ce qui est m il et faux. C'est a Strasbourg oil j'a i fa it cette observation, et ici je dois me rappeler au mains les noms de plusieurs personnes qui m 'y ont interesse ». Et Saint-Martin d'enumerer de nombreuses families et personnages de Strasbourg, comme s'il voulait s’en graver le souvenir. Mais cette note, ties curieusement. se termine d’une tout autre maniere puisqu'on peut y lire : « Je cor-
rige I effet de ma premiere appreciation. Je dois dire que cette ville de Strasbourg est une de celles a qui mon cceur tient le plus sur Terre ». Qu'arriva-t-il done a Saint-Martin durant ces trois annees ? Quels charmes se devoilerent a son ame pour que Strasbourg vienne occuper en son cceur la premiere des places ? La lettre qu'ecrit un siecle plus tard Matter, un de ses biographes, au directeur de la « Revue d'Alsace », nous donne quelques eclaircissements : « Un des homines les plus disting lies de la fin du siecle dernier et qui se qualifiait de “Philosophe Inconnu " dans ses premiers ecrits /.../, Monsieur de Saint-Martin, est alle passer a Strasbourg, vers 1790, les annees les plus decisives de sa vie. Appliquant ses belles facidtes et ses nobles tendances a I'etude des sciences mys tiques, mais peu satisfait des pratiques et des pretentions de quelques associations secretes auxquelles il etait affilie, /.../ il
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DOSSIER se mil tout a coup a etudier I 'allemaml pour aborder la lecture du plus gmnd des philosophes mystiques du XVIT siecle. Jacques Boehme. /... / Deuxpersonnes de Strasbourg, Madame de Boecklin et Mon sieur Salvnann , furent les initiateurs de Monsieur de Saint-Martin a I 'etude du mysticisme, disons mieux, de la theoSo phie de Boehme ».
S o n s e c o n d M a it r e Frederic Rodolphe Salzmann est ne en 1749 en Alsace, a Sainte-Marie-auxMines. ou son pere etait pasteur. On l’a parfois confondu avec son cousin Johann Daniel Salzmann, qui fut Fami de Goethe. Avec les freres de Turckheim. autre grand nom alsacien. il organisera a Strasbourg une Loge des Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte. Parallelement, il dirigera la Librairie Academique, situee a l'ansle de la rue de la Chaine et de la rue des Serruriers, et fondera une
gazette lilteraire bilingue (en frangais et en allemand). La tourmente revolutionnaire le chassera de Strasbourg, mais apres la fin de la Terreur, il y reprendra ses activitcs litteraires. II restera toute sa vie I'ami devoue de Jean-Baptiste Willermoz et de Juna Stilling. Dans son ouvrage intitule « Regards sur les mysteres des voies de Dieu relatives a Vhumanite ». il developpe une cosmogonic ties proche du Martinisme. Maitrisant parfaitement la langue allemande, comme tous les natifs des bords du Rhin, il correspond regulierement avec les mys tiques de 1’AlIemagne et de la Suisse al lemande. Ses lectures et ses etudes font totalement familiarise avec les textes de Law, Swedenborg et Boehme, qu’il fera connaitre a Saint-Martin. Les sympathies entre Saint-Martin et Salzmann sont grandes en un premier temps, mais des divergences sur des questions essentielles. soil de theorie soil
L ' h o m m e d e d £s ir , s e l o n L o u is - C l a u d e d e S a in t - M a r t in Dans sa condition actuelle, l'homme est en etat d'exil. Rien ici-bas ne parvient a le satisfaire pleinement. Certes, le monde materiel lui apporte des satisfactions, des plaisirs et des joies. Mais au plus pr ofond de lui-meme, il sait que le bonheur auquel il aspire n'est pas de ce monde et se situe ailleurs. Plus ou moins consciemment, il ressent egalement la nostalgie de I'etat glorieux qui etait le sien a I'origine, d'ou une certaine melancolie. Au regard du Martinisme, quiconque aspire a comprendre cette melancolie et a retrouver sa purete primitive est un « Homme de Desir ». Son desir, c'est le desir de Dieu. Sairt-Martin disait a ce su j& : « II n'ya rien d'aussi courant que I'envie et d'aussi rare que le desir ». Devenir un Homme de Desir, c'est vouloir reconstruire son Temple interieur et reintegrer sa divine condition. Le Martiniste s'appuie sur deux piliers pour y parv e n ir: I'initiation et I'enseignement. La premiere marque le debut de son cheminement sur la «v oie cardiaque», car c'est le momen t ou il r egoit le g erme de Lumiere qui constitue le fondement de sa regeneration interieure. C'est aussi I'instant privilegie ou il rencontre son Initiateur et ou il est admis dans la filiation mar tiniste, faisant de lui un maillon d'une chame initiatique remontant a Louis-Claude de Saint-Martin. Precisons que cette initiation doit etre conferee dans un Temple martiniste pour etre dument reconnue et faire du recipiendaire un veritable Initie. Si elle est un preliminaire indispensable, I'initiation martiniste n'est que la repre sentation terrestre d'une initiation transcendantale, celle que Saint-Martin appelle l'«initiation centrale» et qu'il definit a in si: « Cette initiation, est celle par laquelle nous pouvons entrer dans le cceur de Dieu, et faire entrer le coeur de Dieu en nous, pour y faire un mariage indissoluble... II n'y a d'autre mystere pour arriver a cette sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la vivifiante racine; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre espece, se produiront naturellement en nous et hors de nous ». Selon le Philosophe Inconnu, le travail de I'Homme de Desir provoque une trans formation interieure, un «engrossement spirituel» qui porte la promesse d'une re naissance interieure. Grace a ce travail, le « Vieil Homme » cede progressivement la place a un « Nouv el Homme ». Ce Nouvel Homme, une f ois ne, passe ensuite par tous les stades de revolution, jusqu'a atteindre sa complete maturite. Devenu « Homme-Esprit », il pourra accomplir son « Ministere » et devenir I'intermediaire actif entre la nature et Dieu. Alors, « la communication sera retablie entre le haut et le bas, et la Terre pourra trouver le sabbat ». D'un poin t de vue martinis te, ce n' est qu' apres s' etre r egenere que I'Homme participera a la reintegration du Tout dans I'Un et redeviendra le Temple de Dieu : « Hommes de paix, hommes de disir, telle est la splendeur du Temple dans lequel vous aurez droit un jour de prendre place. Un tel privilege doit d'autant moins vous etonner qu'ici bas vous pouvez commencer a I'elever, que vous pouvez meme I'orner a tous les instants de votre existence... Souvenez-vous que, selon I'enseignement des sages, les choses qui sont en haut sont semblables a celles qui sont en bas; et concevez que vous pouvez concourir vous-meme a cette ressemblance, en faisant en sorte que les choses qui sont en bas soient comme celles qui sont en haut ».
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de pratique, les eloignent, et leur amitie s'etiolc. Au moment de leur separation, c'est a Madame Salzmann, femme de grand caractere et pleine d ’admiration pour la seduisante humilite du Philosophe Inconnu, qu'il legucra son amitie. La gente feminine a toujours joue un grand role dans sa vie. II aimait la compagnie des femmes animees par de hautes aspirations mystiques ou religieuses, mais il se defiait beaucoup de celles qui avaient trop d'inclinalions pour les “ora cles somnambules”, comme on disait a 1‘epoque. C'est d ’ailleurs pour Tune d’entre elles, Madame de Bourbon, qu'il commen^a a Strasbourg son ouvrage « Ecce Homo ». 1'engageant a se tourner vers un mysticisme epure des pratiques theurgiques. Mais la place qu’occupe Charlotte de Boecklin est tout a fait a part : « J 'a i par le monde une amie comme il n ’y en a point. Je ne connais qu ’elle avec qui mon dme puisse s 'epancher tout a son aise et s ’entretenir sur les grands objets qui m ’occupent, parce que je ne connais qu elle qui se soit placee a la mesure ou je desire que I 'on soit pour in'etre utile... ». Comme il le confia luimeme, 1’affection profonde qui le lia a cette femme fut purement platonique : « II v a deux etres dans le monde en pre sence desquels Dieu m 'a aime. Aussi, quoique I'un de ces deux etres fut une femme (ma B.), j'a i pu les aimer tous deux aussi purement que j'aim e Dieu, et par consequent les aimer en presence de Dieu ; et il n y a que de cette maniere-la dont Von doive s'aimer, si Von veut que les amities soient durables ». C ’est a elle qu'il rapporte le plus fecond evenement de sa vie : laconnaissance du philosophe al lemand Jacob Boehme, son « second Maitre ». Presque deux siecles separaient SaintMartin et Boehme, mais celui-ci fut par dela le temps le deuxieme instructeur du Philosophe Inconnu. Ce dernier dira d’ailleurs : « C'est a Martines de Pas qually que je dois mon entree dans les verites superieures ; c 'est a Jacob Boehme que je dois les pas les plus importants que j ’ai fairs dans ces verites ». SaintMartin apprend l’allemand et, jusqu’a la fin de sa vie, se fera une tache quotidienne de traduire les ecrits de « son cherissime B. ». Jacob Boehme, ne pres de Goerlitz, en Silesie, fut I'un des plus grands representants du courant mystique et theosophique qui parcourt I'Allemagne du X V ICau X V IIc siecle. Chretien erudit dans 1'etude de la Bible, il presenta une gnose originale, complexe et souvent obscure, qui se manifesta a lui sous forme d'une revelation. Sa doctrine est construite autour de la notion medievale de la Deite, \'« Ungrund », la Source mcme de I’ etre divin ; c’est I'Absolu des absolus qui est en dega et au-dela de la Creation, et dans lequel Dieu personnifie n'ex isle pas. La Deite precede done la Trinite divine. En elle reside depuis tou jours un desir eternel et infini d'autorevelation : la Volonte. Dans son processus
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dc manifestation, cette Volonte se reflete a travcrs laTrinite et son image parfaite : la Sophia, la Sagesse. Humble, Jacob Boehme ne cessa d'avouer sa propre incapacile : «• Parm a prop re force, je suis un homme aussi aveugle qu 'un autre et ne puis rien. mais par I'esprit de Dieu, mon esprit innepenetre tout, mais pas toujours avec assez de perseverance ». I I se sent comme un enfant adopte par la divine Sophia, qui l ’ introduit dans le « Grand Mystere », celui de la naissance de Dieu dans I*homme et de 1'homme en Dieu. Selon lui, le monde visible symbolise le monde interieur, et la Sagesse siege dans le cceur de 1*homme. C'est la qu'elle se tient. at tendant avec patience d'etre decouverte, entendue et aimee. Si 1'homme penetre dans les secrets de son cceur, les Mysteres divins lui sont reveles. Cette theosophie de Boehme prefigure la « voie cardiaque » du Martinisme el va modifier profondement la philosophic de SaintMartin, qui s'oriente deliberement vers la voie interne, renoncant a son passe par un acte symbolique : il demissionne de la Franc-Maconnerie, tout en restant fidele a son initiation d'Elu-Cohen. Cette evo lution interieure le protegea sans doute aussi des evenements exterieurs, car la Revolution fran^aise. en chassant les me diums et en condamnant la Ma^onnerie. obligea a la plus grande prudence, nolammenl dans les ecrits.
S a d o c t r in e Le « Nouvel Homme », ouvrage que Saint-Martin ecrivit lors de son sejour en Alsace, n'est pas encore petri de la pen see de Boehme, et c'est sans doute pour celaque le Philosophe Inconnu se sentait insatisfait ct mecontcnt a Strasbourg. Plus qu'une theorie sur la Regeneration, il voulut ecrire une exhortation a la Re generation, comme il le dira plus lard dans sa correspondancc avec le baron Kirchberger. S 'il est vrai qu'il redigea cc livre a 1'instigation du Chevalier de Silverhiclm, neveu de Swedenborg, il
n'est cependant pas vrai. comme on au rait pu le faire croirc, qu'il ne fit que rcprendre les doctrines du visionnaire suedois. Quoi qu'il cn soit, arretons-nous sur ces pensees merveiIleuses, inspirees et originales : «Dieu n'apas dedesirplus vifet plus ardent que la Regeneration de I 'liomme, car par son essence n ’etant que pur Amour, il tend les bras a la creature decline... De cette sublime verite que I'homme est une pen see du Dieu des etres, il resulte une vaste lumiere sur notre loi et notre destination ; d savoir que la cause finale de notre existence ne pent etre concentree dans nous, mais qu 'elle doit etre relative a la source qui nous engendre comme pensee, qui nous detache d'elle pour operer au-dehors ce que son unite insubdivise ne lui permet pas d'operer elle-meme /.../. C'est pour cela que cette pensee du Dieu des etres, doit nous etre la voie ou doit passer la Divinite toute entiere, comme nous nous introduisons journeliement tout entier dans nos pensees, pour leur faire atteindre le but et la fin dont elles sont I'ex pression, et pour que ce qui est vide de nous devienne plein de nous. Car tel est le va'u secret et general de I 'homme ; et par consequent, tel est celui de la Divi nite dont I'homme est image ». Selon Saint-Martin, la destinee du Nouvel Homme est inseparable de celle du Christ. Par I'imilation interieure de l'alchimie christique, il doit epanouir graduellement des vertus dont il ignorait jusque-la 1'existence. Poursuivant fidelement cette imita tion du Christ, 1‘homme doit mourir d'une triple mort et triplement ressusciter : « Le Vieil Homme est mort sous le joug d 'une triple mort, que I 'on designe sous le norn de la mort du corps, la mort de I ame et la mort de I'esprit /.../. Il faut done que le Nouvel Homme ait pour niche de se pro curer une triple resurrection, e ’est-a-dire qu il armche sa pensee. sa parole et son action aux tenebreuses regions oil elles sont en esclavage, qu 'il retienne sa pen see. sa parole et son action sur le bord du precipice dans lequel I'ennemi cherche
journeliement d les entminer, et qu 'ilprevienne pour I ’avenir la mort de sa pensee, de sa pamle et de son action sur le bord du precipice, dans toutes les circonstances ou I'ennemi pourra les menacer ». Devenu frere du Christ, le Nouvel Homme retrouvera, apres avoir fait resonner en lui les trompettes du Jugement dernier, les rap ports qu'il avait avec Dieu a 1'Age d'or. La Jerusalem Celeste sera alors rebatie. et le processus de la Reintegration sera termine : «■Ne te donne done point de reldche que cette ville sainte ne soit rebatie en toi, telle qu 'elle aurait toujours du y subsister si le crime ne I'avail renversee, etsouviens-toi tons les jours de ta vie que le sanctuaire invisible ou notre Dieu se plait d'etre honore. que le culte, les illuminations, I'encens dont la nature et les temples exterieurs nous offrent des images instructives et salutaires, qu 'enfin toutes les merveilles de la Jerusalem Celeste peuvent se retrouver encore aujourd'hui dans le ca’iir du Nouvel Homme, puisqu\elles y ont existe des I'origine ».
Sa m o r t C'est pendant 1'ete 1791 que LouisClaude de Saint-Martin fut brutalement arrache de son paradis, Strasbourg : son pere venait d'avoir une seconde attaque de paralysie et le rappelait pres de lui. La Divine Providence avail conduit I'Homme de Desir qu'il etait jusqu'a Strasbourg, et elle cn eloignait mainlenant le Nouvel Homme qu'il etait de venu. Mais si sa ville natale ne lui pcrmettait pas de parler ou d'entendre parler des verites qu'il aimait, il n'y trouva pas non plus les fanatiques de la Terreur qu'il aurait rencontres a Stras bourg, ce qui lui fit dire : « Toutes les cir constances de ma vie ont ete comme des echelons que Dieu pla^ait autourde moi. pour mefaire monter jusqu 'a Lui ». Estcc en ayant cela a l'esprit qu'il quitta ce monde un jour de 1803. pour rejoindre le Dieu qu'il venerait tant ?
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Un esoterisme, une theosophie, une gnose 'esoterisme a un caractere univer se!. Que ce soit dans le chamanisme, qui. selon de recentes interpretations, remonterait aux temps prehistoriques, ou dans les grandes reli gions orientales comme occidentals, on y retrouve la presence d'un savoir, d’ une connaissance, d’une sagesse qui sont re serves a des inities et qui leur permettent de faire I’experience, apres un long apprentissage, de 1’union avec une realite supra-humaine. Ce cceur. ce noyau esote rique. interieur, nourrit et vivifie l’exterieur. 1’aspect exoterique des religions. Si I'esoterisme est aussi universel, c'est parce qu'il correspond a la structure prof’onde du monde et de l'homme, a savoir qu'il y a depuis la sortie de 1'unite originelle un interieur et un extericur des choses, mais egalement un chemin menant de I'un a Fautre. Parce qu'il est eter nel, I'esoterisme n'en a pas moins irrigue d ’une maniere souterraine le monde occidental a travers quatre courants qui. bien que relies, ont garde leur specificite : 1'hermetisme. la kabbale, 1'alchimie et la theosophie. La theosophie, dans son sens moderne, est I'un des courants de I'esoterisme oc cidental. Sa caracteristique reside dans le fait qu'il est d'essence chretienne. La fi gure du Christ y est omnipresente, mais atteint une ampleur qu'il n'a pas dans la religion exterieure. La theosophie s'est developpee aux XV le et XV IIe siecles avec les Rose-Croix, Paracelse, Jacob Boehme, et s’est perennisee ensuite a tra vels les oeuvres de Martines de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin. Quant a la gnose. elle insiste sur la voie ascendante qui mene vers la Connais sance, bien qu'elle designe parfois aussi cclle-ci, con^ue comme une sagesse qui libere et guerit. Ainsi, toutes les voies esoteriques authentiques sont des gnoses, dans la mesure ou elles impliquent une pratique initiatique qui permet d'acceder a l'absolu. A la vue de ces definitions, il nous a semble interessant d'etudier en quoi le Martinisme est un esoterisme. une theosophie et une gnose.
L
U n e sote rism e L'esoterisme, nous 1'avons dit, est le coeur. le noyau, de toutes les religions, car. comme 1'enseigne le Martinisme, elles prennent leur source dans une seule Religion. Ce cceur, cet interieur commun a toutes. permet d ’acceder a une realite supra-humaine par une experience inte-
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L'lllum ination p a r le coeur, illustration extra ite d'« Em blem ata » (1630), de Daniel Cramer
rieure. L’esoterisme per^oit 1’ unite derriere la diversite et developpe quatre themes que I’on retrouve sur tous les continents, meme s'ils sont traites differemment : • Le premier est la presence d'un principe vital unique, present en toute chose et en devenir, en evolution vers une perfection latente. Le plus sou vent, on l'a appele « Ame du monde » et symbolise par la spirale, la roue ou le germe en gestation. • Le deuxieme theme est 1'exclusion de l'homme de 1'unite originelle, que relate le mythe de la chute symbolique present dans toutes les cosmogonies. L'histoire de l'homme, mais aussi du cosmos, repre sente dans cette vision la longue marche du retour vers 1’unite perdue. • Le troisieme est la loi de polarite. Le mouvement de 1'uni vers nait avec la dualite, I'Un etant statique. L uni vers est rythmique et dialectique. en ce sens que des forces antagonistes et complementaires s’ unissent pour donner naissance a des manifestations superieures, le deve nir cosmique etant oriente par 1'Esprit. Ainsi, la matiere genere la vie, la vie genere la conscience, vie et conscience
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etant presentes de maniere latente dans leur matrice materielle. • Le quatrieme theme est la loi d'analogie et de correspondance entre le microcosme et le macrocosme, d'ou decoule un principe de connaissance essentiel: on ne peut connaitre que ce que I'on porte deja en soi. Or, nous retrouvons tous ces themes dans le Martinisme. L'esoterisme se caracterise egalement par trois manifestations : le secret, la trans mission d une tradition dite primordiale, et 1'initiation. Le secret peut etre aborde de plusieurs manieres. Tout d'abord. il s'avere necessaire pour assurer la protec tion des enseisnements et des rituels. Son but est d'en preserver l'integrite et 1'efficacite, afin de reserver leur acces a ceux qui le demandent, mais aussi a ceux qui le meritent. Mais le secret, c'est aussi celui des textes, qui exigent interpreta tions symboliques et meditations. Ainsi. tout esoterisme veritable se refere a un mythe originel que I'initie doit decrypter pour donner un sens a sa vie. Pour I'ini tie martiniste, ce mythe s’appelle la Ge nese, dont il doit penetrer le sens hieratique a la lumiere de I'Evangile de
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Jean, de la Kabhalc et des ecrits de Jacob Boehme, Martines de Pasqually et LouisClaude de Saint-Martin. Le secret, c’est enfin l’ interieur cache des choses que l'homme. dans sa quete de 1’ unite, doit chercher et decouvrir par lui-meme. Deuxieme manifestation de 1’esoterisme : la transmission de la Tradition primordiale. Cette Tradition immemoriale, unique, transcendante et transmise d'age en age, de maitre a disciple, le Marti nisme I’appelle «la Lumiere eternelle de la Sagesse divine». C ’est une connaissance non-rationnelle, intuitive, presente en tout etre, mais qui doit etre eveillee par la filiation spirituelle et I’initiation. C ’est un legs spirituel que les Ordres initiatiques authentiques ont en depot et qu’ils ont la charge de transmettre. C ’est pourquoi ces Ordres mandates, bien qu’ancres dans leur temps, sont en fail hors du temps et relies au principe originel qui leur donne force, vie et perennite. Derniere manifestation de tout esoterisme : I’initiation. C ’est en effet I’initia
initiations et de ses rituels, est I’ un des fleurons de l’esoterisme occidental et de l’esoterisme tout court.
tion qui assure la transmission de la Tra dition. En ce sens, elle est a la fois un commencement pour celui qui entre sur le sentier, et un retour a I’origine, au Prin cipe. par I’influence spirituelle qui passe de l’ initiateur a rinitie et fait de ce der nier un disciple de la Lumiere. L’ initia tion est done une experience impliquant un contact direct, physique entre eux. mais aussi un contact subtil provoquant eveil et illumination. Ce processus symbolique exige plusieurs choses : la pre sence effective du candidat. l’examen de sa dignite, la transmission de symboles et le don d’une force spirituelle lors de 1'ini tiation. 11 appartient ensuite a 1‘initie de faire germer la semencequ’ il a regue. Le but est la realisation spirituelle et la rein tegration d ’une harmonie perdue qu’ il faut retrouver. Ces analyses des themes et manifesta tions de l’esoterisme ne laissent done pla ner aucun doute : le Martinisme, tant par les lignes de forces de son enseignement que par la rectitude traditionnelle de ses
U n e t h e o s o p h ie Un chercheur a ecrit: «La theosophie est la doctrine chretienne des X V Ic et XV II1’ siecles, representee par Paracelse, Wiegel, Fhtdd... et qui se caracterise par la reflexion analogique et I 'illumination interieure, I 'experience spirituelle et les notions d 'emanation, de chute originelle, d 'androgynat, de Sophia, de reintegra tion, d ’arithmosophie, et surtout de dou ble force...». Nous retrouvons dans cette definition des themes de la theosophie, qui est une forme eminente de 1’esoterisme occidental. La theosophie est la connaissance des mysteres divins incarnee par Sophia, la Sagesse divine. Hochmah dans la kabbale. C ’est elle qui se transmet et devient accessible a la comprehension humaine a travers ce qu’on appelle la Tradition. Elle est presente en toute chose, et bien sur en l ’homme, comme un tresor cache. «Dieu se cache pour que I homme le cher che» dit un vieil adage. Et l’homme peut acceder a cette sagesse, car il possede en lui des profondeurs qui sont en resonance, en harmonie, avec les profondeurs des Mysteres divins. Mais pour cela, il lui faut operer la conversion du regard, descendre dans la nuit, et frapper a la porte du sanctuaire qui s’ouvre lorsque 1’on est pret a affronter la Lumiere de la Sagesse. Or, les enseignements et les rituels mar tinistes n’ont d’uutrc but que de preparer a cette entree dans le sanctuaire ou s’operent les noces chymiques. L’autre figure centrale de la theosophie est celle de Ieschouah. le Christ cosmique. L’univers n’est pas laisse a la de rive. II est habite et souleve par le Feu christique. Teilhard de Chardin, ce mys tique moderne, en a fait le moteur de revolution. Rayonnant en Tiphereth, Ie schouah est le mediateur qui permet au monde d’en-bas de s’harmoniser avec le monde d ’en-haut pour rejoindre Vunite de Kether, et au-dela, le Dieu inconnaissable. Le Martinisme est bien une theo sophie par sa filiation remontant par Louis-Claude de Saint-Martin, ainsi que par la place centrale qu’ il accorde a la So phia. la Sagesse divine, et a la puissance transfigurante du Christ cosmique.
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Apollonius■ , I'un des plus grands representants de la sa g esse antique
La gnose est une connaissance qui libere. Mais c’est aussi la voie qui mene a la Connaissance. Elle exige l’acquisition d'un savoir qui demande a la fois re flexion intellectuelle, experimentation, et descente en soi. C ’est alors qu’ il devient sasesse. La ssnose est aussi le chemin asw *cendant, 1’itineraire peril leu x entre des forces contradictoires. De l ’errance de I’ Homme du torrent a la maitrise du Nouvel Homme, elle est une dialeclique, mais
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DOSSIER degre est une gnose sur des plans differents. Linconscicnt est la racine de notre etre, le centre spirituel vers lequel il nous faut converger pour puiser aux sources de la Creation. Par lui, nous sommes en har monic avec les rythmes cosmiques et notre nature divine. Mais il existe aussi en nous une region plus obscure, nee de nos desirs refoules et de nos peurs se cretes, bien etudice par les psychanalystes, en particulier par Jung, qui I'appelait « Pombre ». C'est pourquoi la voie initiatique reclame de 1’initie prepa ration. patience, perseverance et ferveur. Quoi qu'il cn soit. le Martinisme est bien une gnose par la structure de son enseignement, le cheminemcnt au sein de chaque degre. et Part de combiner l'oratoire et le laboratoire.
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Planche extra ite de «L'Am phitheatrum » (1603), de Henrich Kunrath
par Guy Eylierabide
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une dialectiquc nee de 1'union de deux forces antagonistes et complementaires, symbolisees par les deux piliers. a tous les niveaux de la creation, de Patome a 1'homme, cette dialectiquc fait naitre, par le choc et l'union de deux energies opposees, des manifestations qui n’existaient pas jusqu’alors, ou qui n'existaient qu'a Petal latent. L'union est cicatrice, mais elle preserve la singularite et la difference des forces initiales. Sa forme la plus elaboree est P amour humain. Aux niveaux mental et emotionnel, c'est 1'interaction du moi et du monde qui provoque nos prises de conscience. Au ni veau spirituel, c'est le dialogue difficile mais fructueux de notre etre conscient et de notre ame inconsciente qui nous fait avancer sur le chemin. Le Martinisme prepare a ce genre de confrontation et permet d'en retirer tous les fruits. Chaque
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O ratoire et Laboratoire, planche extraite de «L'Am phitheatrum » (1603), de Henrich Kunrath
Tetragram m e, de Serouya Herm es Trism^giste (Pavem ent de la cath^drale de Sienne)
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ACTUALITE DE L'HISTOIRE •
HORS SERIE n°38
LE M A R T I N I S M E
Kabbale et Martinisme e mot « Kabbale » vient du terme hebreu qabalalt, qui signifie « ce qui est re^u » (forme a partir de la racine qihel, recevoir). C'est une tradition qui s'est perpetuee au cours des ages. C'est a la fois une voie de connaissance fondee sur retude des textes bibliques (en hebreu), et une voie de realisation spirituelle basee sur un travail de perfectionnement individuel. Par extension, il s'agit d'une sagesse voilee qui s’est transmise de bouche a oreille el d'initie a initie. ce qui fait penser a la citation de Francis Bacon : « La gloire de Dieu est de cacher une chose ; la gloire de I 'homme est de la decouvrir ». Pour pouvoir etudier la Kabbale, il faut developper deux qualites : 1'humilite et rumour du prochain. En cela, c'est une voie cardiaque assez proche du Martinisme. A ce propos. Moshe de Kobryn n'a-t-il pas
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dit : « II faut vivre dans la jo ie ; il faut vivre dans I'amour. D'ailleurs, c'est une seule et meme chose. »
L e s n iv e a u x d e l a K a b b a l e La Kabbale ne doit pas etre etudiee comme une methode speculative, une methode theurgique ou une methode divinatoire. Ceci conduit a I'erreur et a la confusion. La Kabbale est surtout une voie pratique permettant d'aboutir a la conduite juste (en respectant les 613 mitsvoth ou commandements de la loi juive, avec kauanah ou intention mys tique. Cette conduite juste peut se resumer en ceci: « Ne J'ais pas a autrui ce que tu n'aimerais pas q u 'il te fasse. c'est la toute la Torah, le reste n 'en est que le commentaire » (Hi 1lei, Talmud. Traite Chabhat 30b). Rappelons que la Torah correspond au Pentateuque. l'ensemble
PORTAE LVCI
H j c e f t p o n a T c tra g ra m a ro n iu fti in rrib H t p ta r a , _________________ _____2------------------------------------ ’£■
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Les Portes de la Lu m itre (« Portae Lucia », J.B .A . Gikitilla, 1516)
des cinq premiers livres de la Bible (Ge nese. Exode, Levitique. Nombres. Deuteronome). Dans la Kabbale. on distingue quatre ni veaux de lecture de la Torah : peshat (litteral. pour rechercher des informations dans le texte biblique d'origine), rentez (affiliation des lettres, symbolisme des lettres et des nombres). derash (allegorique. on va scruter et utiliser des systemes de combinaison comme la guematrie. la temourah, la notarika), sod (niveau secret, accessible par la medita tion). La premiere lettre de l'ensemble de ces mots forme le mot PaRDeS, qui si gnifie « Paradis ». L'etude des textes bibliques et kabbalistiques permet d'aborder les niveaux superficiels {peshat et remez), fortement associes a I'intellect. Les textes les plus connus sont: - la Torah elle-me me (la Loi), qui cor respond aux cinq premiers livres de la Bible (le Pentateuque), - le Talmud (l'ame de la Loi), compose de commentaires sur la Torah. - le Zohar (l'ame de l'ame de la Loi), comprenant une interpretation biblique esoterique, ainsi que divers traites de magie, d’angelologie, de chiromancie, des ecrits sur la reincarnation et sur les mysteres du Nom divin. - le Sefer Yetsirah qui constitue une ex plication esoterique de la Creation. - le Maasseh Bereshit. vision de la Crea tion. comportant des experiences mys tiques, - le Maasseh Merkavah, vision de la fin des temps, avec sa litterature des palais (hierarchie celeste), - et d'autres livres comme le Sefer Ha Bahir, le Sefer Ha Razim, le Shiour Qom ah... Neanmoins. la Kabbale ne doit pas etre uniquement speculative et intellectuelle. D ’ailleurs, meme a propos de sujets cSlaves comme la creation du monde.T les rabbins ne perdent pas le sens de 1’hu mour, comme en temoigne la citation suivante tiree du Midrash Rabba sur la Genese : « Pourquoi I'homme fut-il cree le dernier jo u r ? Four que, si I 'orgueil le pretid, on puisse dire : dans la Creation, le moustique t 'a precede ». Pour atteindre un aspect plus emotionnel et decouvrir cette voie cardiaque, il est important de travailler les deux autres ni veaux de lecture de la Bible {derash et sod), non par la lecture d'ouvrages sur la Kabbale ou le suivi de seminaires, mais par la pratique effective et personnelle. et la decouverte par soi-meme de codes enfouis dans le corpus biblique. Le symbolisme des lettres hebraiques ou de la grammaire peut nous y aider. Dans la Torah, certains noms bibliques apparaissent parfois avec un He, parfois sans.
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DOSSIER Nous trouvons par exemple Adam ou Ha Adam, Abram ou AbraHam. Or la lettre He symbolise I'alliance avec Dieu. Elle est legerement ouverte en haut a gauche, cote cceur, et correspond a un “H'’ aspire. Elle est associee a un passage d'air et a la fenetre, done a l'ouvcrture vers le haut, au chemin de la remontee vers Dieu, et par consequent a l'alliance avec Dieu. Ainsi. Ha Adam correspond a Adam, au premier homme, qui etait encore dans l'alliance divine, dans le jardin d'Eden. Lorsqu’il est chasse du Paradis, il devient Adam (sans le He), celui qui n'est plus dans I'alliance avec Dieu. Dans le mcme ordre d'idce, Abram devient Abraham apres avoir scelle son alliance avec Dieu (apparition du He). De meme, dans cer tains passages de la Genese, on trouve des enonces oil le feminin est attendu.
alors que le masculin est rencontre, el vice versa. Y a-t-il eu une grossiere erreur de grammaire ? Ceci apparait essentiellenient lorsque Adam et Eve sont dans le jardin d'Eden. Par exemple, dans le * chapitre 3, verset 20. Adam appelle Eve et parle de «lui» au lieu d'elle. En fait, a cette epoque du recit biblique, Adam et Eve sont androgynes (a la fois male et femelle), d'ou cette indifference entre les modes masculin et feminin.
L a s c ie n c e k a b b a l is t iq u e Les Kabbalistes, selon leurs tendances, abordent la symbolique des lettres de diverses manieres. Certaines methodes ont ete mises au point pour evoquer des ana logies entre mots ou passages de la Torah. On irouve ainsi toute une batterie de codages comme la guematrie, la temourah.
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COVRONNE
la notarika (ou notarikon). - La temourah est la science des permu tations des lettres, I'art sacre des anagrammes. Les combinaisons obtenues a partir d’un mot localisent son origine et sa quintessence. Par exemple, Molse en hebreu se dit Moshe. En permutant les lettres, nous obtenons Hashem, qui signifie le Nom (sous-entendu Dieu). Ainsi, Moise est celui qui regoit la Torah, et Dieu celui qui la donne. II s'agit pour le Kabbaliste de trouver le lien existant entre les mots, et d'arriver au cceur de I'energie animee par 1’ensemble des let tres, devoilant ainsi l'essence du mot d'origine. - La notarika. quant a elle, est la science des abreviations. Elle consiste a obtenir de nouveaux mots a partir des premieres ou dernieres lettres de phrases ou simplement de mots. C'est la technique des acrostiches. On peut, en partant des let tres initiales ou finales des mots d'une phrase, former un nouveau mot. Par exemple. les lettres finales des trois pre miers mots de la Genese «Bereshit Bara Elohim (Au commencement Dieu crea...)» donnent TAM (parfait). Ainsi. la Creation de Dieu est parfaite (Tam). - La suematrie est la science des nombres. C'est un procede qui applique une valeur numerique a chaque lettre. C'est une technique ties largement employee chez les Kabbalistes. Elle etudie les transpositions etablies, de telle sorte qu'un mot peut se transformer en nom bre et un nombre en mot. Lorsque deux mots ont la meme valeur. on dit alors qu'ils sont relies I'un a l'autre, car pour les Kabbalistes, tout a ete cree au moyen de permutations de lettres du Verbe divin. On chcrche alors les mots ayant la meme somnie, afin de trouver des correspondances secretes entre ces mots. Par exem ple, la Kabbale dit que « Dieu est amour et unite ». En voici la raison : le mot AHAVAH (amour) est compose des let tres Aleph. He, Beth et He. ce qui donne un code de 1 + 5 + 2 + 5 = 13. Or. Dieu est unite (E'HAD), mot compose des let tres Aleph Heth et Dalet, ce qui nous donne I + 8 + 4 = 13. Ces deux mots ayant le meme code numerique, il existe une correspondance entre eux. Pour la Kabbale. amour et unite sont done equi valents et se completent. De plus, le nom de Dieu YH W H a pour valeur numerique 10 + 5 + 6 + 5 (Yod, He, Vav, He), cgale a 26, soit 13 + 13. En d'autres termes, amour plus unite correspondent a Dieu.
L ' u n io n m y s t iq u e
L'Adam Kadmon
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ACTUALITE DE L'HISTOIRE •
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Mais le niveau de comprehension le plus profond (soil) ne peut etre aborde que par la meditation. Abraham Aboulafia, Kab baliste du passe, preconisait la technique de contemplation des lettres, qu'il qualifiait de technique d'union mystique. En effet. pour les Kabbalistes, la lettre est un lien entre l'homme et Dieu. Elle devient alors un support de meditation pour \ddevequth, I'adhesion a la Conscience di vine, et complete parfaitement les
LE M A R T I N I S M E
techniques de combinaisons evoquecs precedemment, techniques plus associees a des aspects intellectuels et emotionnels. On quitte alors le mental pour aborder un niveau plus spirituel.
L ' im p o r t a n c e d u coeur Le coeur a une grande importance dans la Kabbale. Un certain nombre d'indices nous permettent d'en prendre cons cience. Ainsi. la premiere lettre de la Torah est un Beth (le premier mot de la Genese est Bereshit). Cette lettre corres pond a la preposition en. dans (interieur). On peut done penser que le debut de la Torah se situe en Dieu, faisant ainsi pen ser a l'etat dorieux de Vhomme a son origine. Dc meme, la derniere lettre de la Torah est Lamed (le dernier mot est Is rael). Cette lettre correspond elle aussi a une preposition : pour, vers (direction). On cn conclut que la finalite de la Torah est d’aller vers Dieu. Celle-ci est done une voie menant de Beth a Lamed, cc qui forme le mot BaL (abondance, fertilite). (Une autre signification de BaL est « interdit », « rigueur de la Loi »). II est troublant de constater que le sens in verse (Lamed Beth, au lieu de Beth Lamed), suggerant le retour, lc flux op pose, forme le mot « cceur » {LeB en hebreu). Le coeur est done, dans la Torah, la voie a suivre pour retourner a Dieu. En effet, le debut du mot « c
La voie christique (D 'a prts une planche extraite de I'ouvrage « Sym boles secrets des Rosicruciens des XVIe et XVIIe siecles »)
egalement le chapitre 32 de la Genese, contenant le combat de Jacob avec Dieu. Dans cette scene, Jacob traverse le fleuve Yaboc ; en fait, il traverse son propre nom. En effet, la temoura de « Yaboc » donne Yacob (Jacob). Apres avoir combaltu avec l ange, il devient « Israel ». La Notarika sur la fin des mots « Yacob » et « Israel » nous donne la encore BaL (et LeB dans I’autre sens). Le verset 27 du chapitre 32, « in as lutte avec Dieu et tti as ete vailiqueur », peut alors etre interprete par : «• in as combattu la rigueur du BaL. le commandement de Dieu, et tu as vaincu par LeB, le cceur ». Ce passage montre ainsi un face-a-face : un nom face a un autre nom, un homme face a Dieu, lc debut de la Torah face a la fin. Enfin, precisons que le coeur est au cen tre meme de la Kabbale. En effet, le mot c/abalah s’ecrit QBLH (Qof. Beth. Lamed, He), et contient en son centre les lettres Lamed et Beth, qui formcnt le mot LeB (coeur), integre au centre, mais a l’envers. On comprend alors mieux la ci tation suivante, extraite du Traite Brakhot 17a : «• II importe pen que ce que I on fait soit grand ou petit, pourvu que I'on di rige son cceur vers le d e l ».
m t^ n Tetragram m e, Nom sacr4 de Dieu dans la tradition jud£o-chr£tienne
K a b b a l e e t M a r t in is m e Tout comme la Kabbale, le Martinisme est une voie cardiaque, une voie de reali sation spirituelle menant a la connaissance de soi et du monde divin. On retrouve dans 1’enseignement kabbalis tique plusieurs notions martinistes, comme la reintegration de 1'humanite (le tikkoun ou la restauration de Yordre originel), la reincarnation (le gilgoul ou la transmigration des ames), Vunion divine (la kawanah ou le retournement vers Dieu), la quete d'illumination (la devequth ou la contemplation), etc. La Tradition martiniste rapporte que tous les etres humains represented les cellules d'un meme corps, celui de 1'humanite, chacun ayant neanmoins son autonomic et son individuality propres. Cette evidence est la cle de la fraternite, car elle implique que l'individu ne peut s'elever sans eleva tion parallele de la collectivite. Un chemin etroit et ardu, mais pur el lumineux. peut conduire vers cet ideal: c'est le chemin du juste milieu, qui dessille les yeux et I'esprit. et conduit a la serenite et au respect de I’autre. Pour y parvenir. il faut equilibrer les oppositions de la vie. symbolisees par les piliers de 1'initiation, afin de mieux apprehender l'unite omnipresente, en haul comme en bas, dans le macrocosme comme dans le microcosme.
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La voie du coeur
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II y a de nombreuses definitions pour le mot « unite ». L'une d'elles est « harmonie ». C'est celle a laquelle doit tendre tout Martiniste. II est possible de trouver de nombreux symboles de l'unite dans la nature, oil tout animal, vegetal et mineral depend des autres et ne peut vivre qu'en harmonic avec les autres, formant ainsi un ecosysteme. Que I'un des maillons de cette chaine naturelle soit brise, et c'est tout le systeme qui en patit. De l'unite nait la multiplicity, elle-meme destince a reintegrer l'unite. Ainsi, dans la Kabbale, l'arbrc des 10 sephiroth, ou arbrc sephirotique, comporte a son sommet une sephira unique, appelec Kether ou Couronne. C'est de Kether que naissent les sephiroth Hokmah ct Binah, puis toutes les autres le long des trois piliers (Rigueur, Misericorde et Equilibre), pour arriver finalement au niveau le plus bas. oil I'on retrouve la encore une sephira unique : Malkuth. Ccs deux sephiroth. Kether tout en haut. et Malkuth tout en bas, sont toutes deux placees sur le pilier central, la voie du milieu ou pilier de l'equilibre. qui harmonise les oppositions de la vie. Or. la lettre hebraique associee a l'equilibre et a l'harmonie, mais aussi au souffle ct a la vie, est la lettre Aleph. Elle correspond justement au chiffre 1. a l'unite. Dans le meme ordre d'idee, la Kabbale demande a 1'homme de pratiquer 613 commandements, lesquels correspondent a diverses lois et conduites a suivre pour devenir un tsaddik, un juste. Or, si Ton fait 1'addition theosophique de 613, nous arrivons a 6 + 1 + 3 = 10, ce qui nous conduit au chiffre 1. De meme, si on associe chacune des 22 lettres hebraiques a un nombre par la guematrie, et si I'on fait la somme des valeurs numeriques des 304 845 lettres composant la Torah, on arrive au resultat extraordinaire de 1 ! Assurement. tout nous ramene a l'unite... C'est par sa conduite juste et son service desinteresse que I'homme pourra arriver a la plenitude de 1'Unite. afin d'atteindre son but ultime : reintegrer la Divinite. Pour cela. il doit s’efforcer de devenir un mail Ion de la chaine qui contribuera peutetre a ramener un jour 1'humanite vers son etat glorieux d'origine. Tel etait le but des Kabbalistes ; tel est le but des Marti nistes.
Huguette Ijifo rt
f e v r ie r - m a rs
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DOSSIER
I n t e r v ie w
C h r is t ia n B e r n a r d , Souverain Grand Maitre de l’Ordre Martiniste Traditionnel
e nos jours, l'Ordre Martiniste Traditionnel est considere comme le mouvement martiniste le plus dynamique. Present dans le monde entier, il fonctionne a travers diverses juridictions de langues ecrites et parlees, dirigees chacune par un Grand MaTtre et placees sous la supervision de Christian Bernard, qui assume la fonction de Souverain Grand Maitre. A I'occasion de ce hors-serie, nous I'avons contacte pour cet entretien.
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A .H .: Vous etes le Souverain Grand M aitre actuel de l'Ordre Martiniste Traditionnel. Sans entrer dans I'historique, qui est longuement developpe dans cette revue, pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu'est I'O.M.T. ? C.B. : Par definition, il s’agit d un mou vement philosophique, initiatique et tra ditionnel qui remonte a Louis-Claude de Saint-Martin, eminent philosophe frangais du X V III0 siecle. Son but est de perpetuer I’enseignement qu'il a transmis a ses disciples. De nos jours, cet enseignement peut etre regu de deux manieres : oralement, en se rendant dans une Heptade ou un Atelier ; par ecrit. en etudiant chez soi des documents adresses par le siese de l’Ordre.
M ais Louis-Claude de Saint-Martin n'a pas cree d'Ordre Martiniste en tant que tel ? Non. De son vivant, il n’enseigna qu’a quelques disciples, choisis avec circonspection. La tradition rapporte qu’apres sa mort, il se forma un Cercle. connu sous le nom de « Societe des Intimes ». Ceux qui en faisaient partie se reunissaient de temps a autres et echangeaient sur les ecrits du Philosophe Inconnu, de Marti nes de Pasqually et de Jacob Boehme.
De quoi traite I'enseignement martiniste ? D ’une maniere generate, il propose une approche esoterique des grands themes specifiques a la Tradition judeo-chretienne, tels que les origines de la Crea tion, la Chute de I'Homme, la reintegration des etres, la veritable mis sion du Christ, la science des nombres, la symbolique celeste, I'angelologie, etc., non sans etudier la Kabbale, ainsi que le sens voile de 1’Ancien Testament, des Evangiles apocryphes, etc.
Qu'entendez-vous par « approche esoterique » ? Pour les Martinistes, il est evident que nombre de themes presents dans 1‘Ancien comme dans le Nouveau Testament ont
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une dimension symbolique et allegorique. II faut done aller au-dela de I *in terpretation litterale si 1’on veut en comprendre le sens profond, pour ne pas dire cache. L’enseignement martiniste a precisement pour but de decrypter les verites mystiques contenues dans la Bible, non sans s’appuyer sur les exegeses et les ecrits apocryphes.
Pouvez-vous nous donner un exemple ? Si Ton en croit la Genese. la creation du monde s'est faite en six jours. II est evi dent qu'une telle chose est impossible. De meme, l'humanite ne peut provenir d'un couple originel, en roccurrence Adam et Eve. Ces recits genesiaques correspondent en fait a des lois et des principes ontologiques, cosmologiques et cosmogoniques expliques dans le Martinisme.
Combien de temps dure I'enseignement martiniste ? II s'echelonne sur trois degres qui necessitent chacun deux ans d'etude. avant d'acceder a un ultime degre intitule «Cercle des Philosophes Inconnus».
On pretend que I'initiation est fondam entale dans le Martinisme. Qu'en est-il vraiment ? Effectivement, pour etre considere comme un veritable Martiniste, il faut avoir ete initie dans un Temple par un initiateur qui a ete lui-meme dument initie au Martinisme, et ainsi de suite en re montant dans le temps. Le but de cette initiation est double : transmettre au recipiendaire I'influx spirituel qui fait rituellement de lui un Martiniste ; 1'admettre traditionnellement dans la fi liation martiniste.
ble a tout moment de se faire initier dans un Temple.
A priori, on pourrait croire que I'enseignement martiniste est intellectuel. Est-ce le cas ? II est un fait que I’etude martiniste, que ce soit sous la forme orale ou ecrite. necessite un travail de reflexion. Mais ce serait une erreur de reduire le Martinisme a cette approche intellectuelle. II faut ega lement apprendre a ressentir 1'aspect emotionnel de la “note" martiniste. En cela, rappelons que Louis-Claude de Saint-Martin lui-meme a dit : « Ce n'est pas la tete q u 'il faut se casser ; c'est le cceur ». Le Mai tinisme est d’ailleurs sou vent qualifie de « Vote cardiaque », ce qui est ties significatif. II faut savoir egalement que 1'enseignement martiniste est tout autant pratique que theorique. C'est ainsi qu'il integre de nombreuses experiences ayant pour but d'eveiller notre conscience interieure. afin d'accroitre notre sensibilite a ce qu'il y a de plus divin en nous et autour de nous, ce qui suppose, naturellement. d'etre spirilualiste.
Faut-il etre Ju ifou Chretien pour acceder au Martinisme ? Non. Le Martinisme est ouvert a toute person ne qui s’interesse a l'esoterisme judeo-chretien, qu'il appartienne ou non a la religion juive ou chretienne. Quant aux Juifs et aux Chretiens qui sont Mar tinistes. 1'experience prouve que l'enseignement qu'ils etudient au sein de l'Ordre leur permet de mieux compren dre les fondements ontologiques de leur religion de base.
L'Ordre Martiniste Traditionnel est-il ouvert aux fem m es ?
Mais qu'en est-il des Martinistes qui etudient I'enseignement chez eux et qui ne frequentent ni une Heptade, ni un Atelier ?
Naturellement. Les femmes etaient admises dans le Martinisme des le X V IIIe siecle. II en etait de meme a I’epoque de Papus.
On peut dire d'eux qu'ils ont acces a I'enseignement martiniste. mais qu'ils ne font pas veritablement partie de la filia tion martiniste. Cela dit, il leur est possi
L'O.M.T. s'implique-t-il sur le plan politique ?
ACTUALITE DE L'HISTOIRE • H O R S S E R I E n°38
Non. II est totalement apolitique, ce qui
LE M A R T I N I S M E
explique qu'il compte parrni ses mem bres des personnes ayant des opinions divergentes, voire opposees, dans ce domaine.
Vous etes egalement le Responsable mondial de I'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. Pourquoi cette double fonction ?
Et com bien de Rosicruciens sont-ils Martinistes ? Environ 20 %. Cela s'explique par le fait
sagesse, en vue de rendre le monde meilleur.
que tous les Rosicruciens ne s’interessent pas necessairement a l'esoterisme judeochretien.
En tant que Souverain Grand M aitre de I'O.M.T., quel regard portez-vous sur le monde actuel ?
Quelle difference y a-t-il entre le Martinisme et le Rosicrucianisme ?
Parce que c'est l'A .M .O .R.C . qui parraine I'O.M.T. depuis le debut du X X C siecle, et que 90 % des Martinistes sont Rosicruciens. Tous les Grands Maitres de l'A .M .O .R.C . sont d'ailleurs eux aussi Grands Maitres de I'O.M.T. En assumant la responsabilite conjointe de ces deux Ordres freres, cela permet de mener leurs activites respectives en parfaite harmo nic.
Comme je l'ai rappele. l'enseignement martiniste a une connotation judeo-chretienne, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il ait un caractere religieux. L'enseignement rosicrucien, de son cote, est plus large et plus universel, en ce sens qu'il se rattache a la Tradition primordiale et transcende toutes les religions existantes et ayant existe. Pour prendre une image, I'Ordre de la Rose-Croix est un arbre dont I'Ordre Martiniste Tradi tionnel est une branche.
Et y a-t-il un lien entre le Martinisme et la Franc-Magonnerie ?
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Ils voient en Lui PIntelligence, la Conscience, PEnergie. la Force - peu importe le terme - qui est a 1'origine de la Creation et qui Se manifeste a travers elle selon des lois impersonnelles, immuables et parfaites. En fait, c'est dans I'etude et le respect de ces lois que reside le bonheur auquel tous les hommes aspirent. Mais encore faut-il qu'ils en aient conscience et qu'ils agissent en conse quence...
En dehors des reunions tenues dans les Heptades e t les Ateliers, les Martinistes ont-ils la possibility de se rencontrer ?
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Quelle est done leur conception de Dieu ?
Oui. L'O.M.T. organise regulierement des Convents qui se tiennent sur un plan re gional. national ou international, permettant ainsi a des Martinistes venus de divers horizons de se rencontrer et de tra vailler ensemble. Vu sous cet angle, il s'agit d'une Fraternite authentique.
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4
Certificat d'initiotion de Christian Bernard, en font que Sou\/erain Grand M a itre de I'O.M.T.
CC [ Christian BERNARD O 1 Souverain Grand Maitre
En une phrase, comment defmiriezvous I'ideal martiniste ?
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T*
Je ne suis pas Franc-Ma^on. mais d*apres ce que je sais, certains rituels magonniques sont ties proches des rituels mar tinistes. Cela s'explique notamment par le fait que Martines de Pasqually, initiateur de Louis-Claude de Saint-Martin. appartenait a la Franc-Magonnerie.
Le meme que celui que je porte en tant que Responsable de l'A.M .O .R.C. Pour etre plus precis, je pense que l'humanite s'est atheisee ct qu'elle risque de perdre son ame dans sa course effrenee au materialisme. II faudrait qu'elle renoue avec une spiritualite authentique, e'est-a-dire non religieuse. fondee sur le ternaire eso terique Homme-Nature-Dieu, tel que les Martinistes, les Rose-Croix et autres Mystiques Le conqoivent.
C'est un ideal de Chevalerie spirituelle. fonde sur la volonte de cultiver en soi la
Sceau du Souverain Grand M aitre
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DOSSIER__________________
L'enseignement martiniste
Une H eptade m artiniste de nos jo u rs
’enseignement martiniste est transmis a la lois par ecrit. sous forme de manuscrits, et oralement, lors des reunions tenues dans les Heptades les Ateliers de I’O.M.T.
L
Precisons que c’est la forme orale qui est la plus con forme a la Tradition marti niste, car elle s’ inscrit dans un processus initiatique remontant a Louis-Claude de .Saint-Martin. Parmi les sujets traites, citons, entre autres : Le Grand Architecte de 1’Uni vers L’Adam Kadmon La Chute de I’ Homme Les origines de la Creation Le Temple universel Le Temple de Salomon La Sophia La science des nombres Les arcanes de la Kabbale L’Ancien Testament Le Nouveau Testament
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Les Evangiles apocryphes Le Livre de la Nature Le Livre de I’Homme etLa mission du Christ Les cycles de l’humanite Le monde invisible Les anges La symbolique celeste L’alchimie des reves La priere La reintegration des etres, etc. Dans leurs travaux, les Martinistes n’emploient ni theurgie ni magie, car ils se conforment a I’ ideal du Philosophe In connu : « Conduire I ’esprit de l'homme par une voie naturelie aux choses surnaturelles qui lui appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement Tidee, soit par sa degradation, soit par I 'ins
truction fausse de ses instituteurs ».
ACTUALITE DE L'HISTOIRE • HORS S E R IE n°38
LE M A R T I N I S M E
Le Temple de Salomon Le Temple de Salomon, dans ses aspects historique et symbolique, est une reference commune aux Martinistes et aux Francs-Magons. son etude fait partie de I'enseignement de I'Ordre Martiniste Traditionnel. Pour I'illustrer, void un extrait de ce qui est dit a son sujet dans I'un des manuscrits qui lui sont consacres. omme le rapporte la Bible au pre mier « Livre des Rois » (chap. 5 a 9) ct au second « Livre des Cbro il iques » (chap. 3 et 4), le Temple de Je rusalem fut construit par le roi Salomon vers 960 avant I'ere chretienne. D'apres la tradition juive. il fut edifie sur le mont Moriah, a I'endroit meme ou Abraham etait sur le point d’offrir son fils Isaac en holocauste. Ce Temple etait considere par les Hebreux comme la dcmeure de Dieu sur Terre. II ahritait YArche d'Alliance, dans laquelle reposaient les Tables de la * Loi que Moi'se avait revues de rEternel, sur le mont Sinai. Pendant l'Exode, c’est-a-dire pendant le peri pie qui raena le peuple hebreu jusqu'en Israel, la Terre Promise. 1’Arche sacree reposait dans le Tabernacle. Celuici consistait alors en un temple demontable erige a 1'aide de tentes faites de peaux, que Ton depla<;ait au rythme des La reconstruction du secon d Temple. Extra it de «Suburbia elus sicut tem pore christi flo ru it» , peregrinations. Lorsque David s’cm para de Christian van Adrichom (1533-1585) de Jerusalem, il y fit amencr I’Arche d'Alliance et projeta de construire un Celle de droite etait appelee « Yakhin » et en cause peu de temps apres sa mort. En Temple permanent, digne de Dieu. Mais effet. son fils Roboam. qui lui succeda en celle de gauche « Boaz ». rEternel rejeta ce projet, carce roi avait Dans le Saint lui-meme se trouvait 931 avant 1'ere chretienne, avait un cafait couler trop de sang. Ce fut done son Y« Autel des Harfitms », encadre d'un ractere impulsif, et son arrogance enfils, Salomon, qui avec 1'aide d’ Hiram, cote par la < •< ■Table des douze pains de train a la separation des douze tribus roi de Tyr. eut le privilege de mener a proposition », et de Fautre par un « d'Israel. Durant cette periode de division, bien cette construction. Chandelier a sept branches ». Selon le «• d'autres lieux de culte. comme Bethel ou Livre des Rois », le Saint etait separe du Dan. concurrencerent le Temple de Jeru D e s c r ip t io n Saint des Saints par des vantaux de bois. salem. On y raviva le culte du Veau d'or Conlbrmement aux prescriptions donnees et les anciens rites y etaient meles a celui Cependant, le « Livre des Chroniques » par Dieu Lui-meme, le Temple de Salo indique que les deux pieces etaient delide Yahve. mon fut bati en pierres non taillecs, et mitees par une tenture pourpre, brodee de Le royaume d'Israel resta longtemps di aucun outil de metal ne fut employe pour cherubins. vise. Cinq annees a peine apres le debut sa construction. II s’apparentait a un batiDerriere les vantaux ou la tenture qui du regne de Roboam. le pharaon Chement rectansulaire de soixante coudees de donnait acces au Saint des Saints se trou chanq profita de la situation p<^)ur s'emlong et vingt de large, e'est-a-dire d'envivait Y« Arche d'Alliance ». Elle avait parer de Jerusalem et pilier le Temple. ron trente metres sur dix. Sa hauteur etait I'apparence d'un coffre dont le couvercle Mais le coup fatal fut porte par les Babyde trente coudees, soit environ quinze me etait orne de deux cherubins aux ailes deloniens. En 605 avant Jesus-Christ, Natres. 11 comportait trois parties distinctes. ployees. Elle etait sacree pour les He buchodonosor, roi de Babylone, lan<;a D'abord le « Oidani » ou « Vestibule », enbreux, car ils consideraient que Yahve y une expedition contre Jerusalem. En 601, suite le « Hekal » ou « Saint », et enfin le demeurait reellement. Seul le Grand Prele Temple fut saccage, les colonnes bri«• Debir » ou «• Saint des Saints ». Cet edi tre pouvait entrer dans cette partie du sees et une partie du mobilier emportee a fice etait de loin le plus imposant de toute Babylone. ou de nombreux Juifs lurent Temple. II y penetrait une fois l'an. pour la ville de Jerusalem. prononcer le Nom divin et y venerer deportes quelques annees plus lard. Puis Chaque partie du Temple de Salomon TEternel. Mais avant de le faire, il devait en 586, Nabuchodonosor detruisit totaleetait agencee d'une fa^on particuliere. Le prendre soin de s'y preparer par des pu ment le Temple. On rapporte cependant Vestibule comportait un vaste bassin de rifications corporelles et spirituelles. En que peu de temps avant ce drame, le probronze, la « Mer d'Airain », destine aux cas d'impurete, il risquait en effet la phete Jeremie cacha I' Arche d'Alliance purifications corporelles. II etait aussi mort. dans une caverne dont il seel la I'entrec. dote d'un « Alltel des Holocaustes », sur Le Temple de Jerusalem etait un edifice Alors qu'il etait parmi les exiles a Baby lequel on sacrifiait des animaux. On acmagnifique construit avec les materiaux lone, le prophete Ezechiel, qui avait precedait a la partie suivante du Temple, le les plus nobles, tel le bois de cedre et de dit la destruction du Temple, en revela la Saint, par un double portail en bois de cy cypres. II etait recouvert d'or fin en de cause : Dieu avait voulu punirson peuple nombreux endroits. Pendant le regne de devenu idolatre et infidele. Mais le pro pres et d’olivier, decore de cherubins et de palmes. De chaque cote de ce portail phete avait annonce aussi qu'un nouveau Salomon, il etait le cccur du culte israese dressaient deux colonnes de bronze. lite, mais cette predominance fut remise Temple serait construit un jour a Jerusa-
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DOSSIER lera ct qu'il aurait la forme d'un carre (Ezechiel, ch. 40-48). Effectivement, la Bible rapporte que Cyrus, roi de Perse, se rendit maitre de Babylone en 539 avant notre ere. Souverain ambitieux mais to lerant, il rendit aux Juifs leur liberte et leurs biens spolies par les Babyloniens. Ainsi, apres avoir ete exile pendant soixante-dix ans, le peuple d'Israel revint a Jerusalem et, sous I'impulsion de Zorobabel, entreprit de batir un nouveau Temple. Mais les conditions avaient change ; la paix et 1'allegresse ne regnaient plus dans la Ville sainte comme jadis a l'epoque de Salomon. Ce deuxieme Temple fut done construit dans I'agitation. Confrontes a de multiples dangers, les ouvriers etaient plus occupes a se defendre qu'a construire.
C o n s t r u c t io n Alois que les materiaux du premier Tem ple avaient ete tires des contrees les plus riches et assembles sans aucun outil en metal, il n'en fut pas de meme pour le se cond Temple. Les ouvriers furent obliges de creuser le sol pour extraire les debris de 1'ancien edifice, et le batiment qu'ils parvinrent peniblement a eriger etait tres imparfait. Sa construction s'acheva la
faites un repaire de brigands » (Mt 21, 12-13). Bien des annees apres la mort du Christ, les Juifs de Palestine se revolterent contre Rome. En I'an 70, Titus mit un terme a cette rebellion. II fit detruire Jerusalem et le Temple fut incendie. Depuis cette epoque, seul le soubassement de la muraille occidentale subsiste ; c'est le fameux « M ur des Lamentations ». Apres avoir evoque les grandes etapes ayant marque la vie du Temple de Jeru salem, voyons maintcnant comment la Tradition martiniste les interprete. JeanBaptiste Willermoz insiste sur le fait que ces etapes ne doivent rien au hasard, car el les sont en correspondance avec la Creation et avec l'homme lui-meme. Ainsi, la construction du premier Temple represente I'em anation du premier Homme. Pour s'en convaincre, il suffit de noter qu'il fut edifie sans outil de metal, a 1'instar du corps primitif d'Adam. qui fut cree sans operation materielle. Par ailIeurs. comme vous l'avez appris dans le degre Associe, la Creation, appelee aussi « Temple Universel », comporte trois par ties : Le Monde terrestre, 1’Immensite ce leste et lTmmensite surceleste. Or, chacune d'elles correspond a une partie du Temple de Salomon : le Monde ter-
pond a 1'Immensite surceleste, laquelle est la partie mediatrice entre 1'Immensite divine et le reste de la Creation universelle. C'est pourquoi on y trouve I'Arche d'AUiance.
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Le Temple de Jerusalem , reconstruction d ’apres des docum ents d'archives
sixieme annee du regne de Darius, vers 515 avant Jesus- Christ. Bati sur le meme plan que le precedent, il etait de dimen sions plus modestes, et le Saint des Saints etait vide, car 1'Arche d'AUiance avait disparu. Beaucoup plus tard, lorsque la Judee passa sous la domination romaine, Herode decida de lui rendre son prestige d'antan. Flavius Josephe rapporte que dix mille hommes furent employes a cette fin. Le Temple de Jerusalem retrouva alors une partie de sa splendeur. Cepen dant, le peuple hebreu n'avait plus la meme ferveur qu'autrefois. A ce sujet. chacun sait que Jesus chassa les marchands hors du Temple en leur disant : « 11 est e crit: "M a maison chit etre une maison de priere". Mais vous, vous en
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restre au Vestibule ; 1'Immensite celeste au Saint, et 1'Immensite surceleste au Saint des Saints. Tout comme le Vestibule est 1'endroit oil I'on offre des sacrifices, le Monde ter restre est le lieu oil I'on doit se purifier pour s'elever vers des plans de conscience superieurs. Par ailleurs, tout comme le Saint comporte un chandelier a sept branches, 1'Immensite celeste est marquee par le septenaire et correspond aux sept planetes traditionnelles. Ajoutons qu'elle est le monde de la Reconci liation auquel accedent ceux qui se livrent a un veritable travail spirituel. ce travail etant symbolise par l'Autel des Parfums. Quant a la troisieme partie du Temple, le Saint des Saints, elle corres
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Les trois parties du Temple de Salomon sont egalement en relation avec les trois parties de l’homme, a savoir, nous le rappelons, I’abdomen, la poitrine et la tete. L*abdomen correspond au Vestibule du Temple de I'Homme, le lieu des sacri fices et des purifications qui lui sont necessaires pour parvenir a maitriser sa nature corporelle. La poitrine est associee au Saint du Temple de I’Homme, la oil se trouve l'Autel sur lequel il doit offrir quotidiennement des parfums a la Divinite, c‘est-a-dire des prieres. C'est grace a ce travail spirituel qu'il peut allumer progressivement les sept luminaires du Chandelier, qui symbolisent les sept niveaux spirituels conduisant a la chambre superieure de son Sanctuaire interieur. Enfin, la tete correspond au Saint des Saints, car c'est par la pensee que l'homme peut. apres avoir sanctifie son cceur, communier avec la Lumiere divine. II faut noter egalement que le nombre 6 marque la construction du Temple de Sa lomon. En effet. il fut bati en six annees, et c'est au cours de la septieme que 1'Arche d ’AUiance fut placee dans le Saint des Saints, a la Gloire de Yahve. Or. comme cela est indique dans la Genese. le processus de la Creation s'echelonna sur six Jours, au terme desquels elle fut sanctifiee. Selon la Bible, l'homme luimeme fut cree le sixieme Jour. Par ail leurs, Martines de Pasqually considere que le Temple de Salomon symbolise l'homme avant la Chute, lorsqu'il possedait un corps glorieux et vivait en pre sence de Dieu. Par sa desobeissance, il perdit ce corps glorieux, ce premier Tem ple dans lequel residait 1'Esprit divin. la veritable Arche d'AUiance en lui. C'est alors qu'il fut revetu d'un corps de matiere, d'un second Temple qu'il doit maintenir en etat par ses propres efforts, avec toutes les epreuves et tous les sacri fices qui en resultent. Pour les raisons qui vous ont ete expliquees dans ce manuscrit, le Temple de Salomon est un symbole fondamental dans la tradition judeo-chretienne. Pour Louis-Claude de Saint-Martin, il symbo lise en effet le cheminement de l'homme depuis ses origines et represente sur Terre le Temple universel, a propos duquel il dit dans son livre le « Tableau NatureI » : « C'etait lui peindre sa destinee sous des couleurs vives, que de lui representer I' Uni vers comme un grand temple, dont les astres sont les flambeaux, dont la Terre est I ’autel, dont tous les etres corporels sont les holocaustes et dont l'homme est le sacrificateur. IJar la, il pouvait recouvrer des idees profondes sur la grandeur de son premier etat qui ne I'appelait d rien moins qu'a etre le pretre de TEternel, dans TUnivers ».
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Le processus d'individuation ou la realisation du Soi Parallelement a I'enseignement officiel qu'ils etudient dans les Heptades et les Ateliers, les membres de I'Ordre Martiniste Traditionnel ont la possibility de presenter des exposes qu'ils ont eux-memes rediges sur un sujet de leur choix. Void un exemple parmi d'autres de ces "planches". elon Carl Gustav Jung, medecin psychiatre de la premiere moitie du X X Csiecle et pere de la vision spiritualiste de la psychologic des profondeurs, 1'individuation est « le processus de transformation qui libere I'etre huniain de son assujettissement d I 'inconscient. C'est l % exploration de la nature profonde de / 'homme, au moyen de I'alchimie des reves, sans intervention d'une autorite exterieure ». Jung precise encore que « le processus d'individuation est la demarche par laquelle I 'individu sort du cadre social, collectif pour realise/' son destin propre, individuel, dont il est pre gnant, comme I ’drbre est contenu dans le germe ». Par ce processus, 1’homme de vient pour ainsi dire autonome. et non dissocie. Selon cet auteur, c’est vers cela que 1*homme doit tendre s' il effectue un parcours normal, pour devenir simplement lui-meme. Cependant, il faut preciser que 1*indivi duation ne signifie pas tomberdans 1’ individualisme, qui est I’exacerbation des differences. L'individuation preconisee par Jung est tout le contraire de I’egoccntrisme, car elle est I'union avec soimeme el avec le monde exterieur. Plus tard. Jung a elargi ce concept a la trans mutation alehimique, en le definissant comme «■la reintegration dans VUnite primordiale et ultime, la cessation de la division, des dualites, des oppositions ». Mais en quoi Tindividuation, ainsi definie. peut-elle etre un processus conduisant a la realisation du Soi ou a 1’eveil spirituel. et quel interet peut-elle presen ter pour les Martinistes ? C ’est a ces deux questions que nous allons tenter de repondre, en nous appuyant sur quelques elements tires de la vie et de 1’oeuvre de Jung.
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L ' in c o n s c ie n t Pour mieux comprendre ce vaste sujet, il nous faut tout d’abord avoir en memoire quelques notions sommaires sur ce qu’est l’inconscient, selon Jung. En realite, c’est Freud qui a etc le pionnier de l inconscient. avec la publication de son livre paru en 1899 et intitule « L'interpretation du reve ». Freud avait essentiellenient mis a jour 1‘aspect pathologique de 1’inconscient, constitue par des conllits, des nevroses, des psychoses, etc. Carl Gustav Jung a considerablement
C. G. Jung - extra it de «L'Hom m e et ses sym boles» - R obert Laffont (1992)
elargi la notion d inconscient a l’inconscient collectif, alors que pour Freud son Maitre, il etait strictement individuel. II I’a aussi rendu plus noble, plus accessi ble, plus rassurant. II lui a donne son au tonomic en le liberant des refoulements et en lui conferant un role spirituel im portant. Enfin. la grandeur de Jung reside aussi dans le fail que son oeuvre est le fruit de sa propre experience interieure. C ’est ce que revcle son autobiographic quand il ecrit: « Ma vie est I'histoire d'une realisation du Soi par l'inconscient ». Mais que renferme notre inconscient ? Par definition, l’inconscient est considere comme « I'immense reservoir de contenus qui sont nonnalement inaccessibles d la conscience », « 11 est, nous dit Jung. un flot infini, un ocean d'images et de formes ». Pour les psychologues, I’en semble de la psyche ou conscience humaine possede des profondeurs insondables. Elle comprend une ties infime
partie du fonctionnement psychologique nomine « conscient », flottant sur ce que Jung a appele « un ocean infini d'images », c’est-a-dire l*« inconscient ». D ’une maniere generale. l’inconscient est un veritable tresor aussi bien sur les plans materiel, intellectuel, emotionnel que spi rituel. C ’est notre gardien de jour comme de nuit, tandis que notre conscient, qui comprend nos facultes objectives ct subjcctives, travaille plutot par intermittence. Le conscient a en general une activitt* diurne. alors que l’inconscient est plutot noctambule, en ce sens qu’il se manifeste surtout a nous la nuit, au moment oil le corps physique est assoupi pendant le sommeil. Les contenus de l’ inconscient sont de deux ordres : ceux qui n’ont jamais etc proposes a la conscience et ceux qui, l'ayant ete, ont fait l’objet d ’un refoule ment ou sont tombes dans l’oubli. En outre, l’ inconscient est doue d ’ une me-
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DOSSIER moire illimitee ou tout est grave de ma niere indelebile. C'est un depot de toute 1'experience humaine ancestrale, accumulee depuis des millions d'annees. Enfin, c'est aussi notre centre spirituel, le centre de la veritable intelligence, du pouvoir et de la sagesse. II est par-dessus tout notre meilleur serviteur. Mais com ment 1'inconscient est-il structure pour avoir autant d'attributs ? L'inconscient est constitue de « couches » ties vastes qui s’ interpenetrent les unes les autres. L'une. denommee « inconscient personnel », renferme notre histoire individuelle. nos experiences vecues, nos complexes pathologiques et nos refoule ments. L’autre appelee « inconscient col lectif » , contient les experiences emotionnelles de toute l'humanite, ainsi que les pulsions instinctives et animales remontant a des millions d'annees. On la designe sous le nom d'« inconscient collectif »%parce qu'il a des contenus et des modes de comportement qui sont les memes partout, et chez tous les individus. C'est le reservoir des grands mythes. des
C. G. Jung - p a r Karst d'O ttaw a (Camera Press Londres)
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contes, des rites, etc. C'est de la que jaillissent les symboles universels portant le nom generique d '« archetypes ». De toutes ces couches, seul l'inconscient personnel est susceptible de reveler des maladies, notammcnt des nevroses.
L es a r c h e t y p e s Comme on vient de le souligner, les ar chetypes, en tant que contenus de 1'in conscient collectif, sont des depots ou une accumulation de tout ce que I'humanile a vecu, en remontant jusqu'a ses plus obscurs commencements. II ne s'agit ni d'un depot mort, ni d'un champ de mines, mais d'un systeme de reactions et de disponibilites qui determinent la vie individuelle par des voies invisibles. Ce sont done des types ties anciens ou. mieux encore, originels, e'est-a-dire des images universelles presentes depuis tou jours. Jung a identifie de nombreux archetypes situes dans un champ independant du temps et de l'espace. Parmi ceux-ci, il a designe l'archetype qui influence le rap port de notre moi avec le monde exterieur. sous le nom de « Persona », e'est-a-dire le « masque » que nous laissons apparaTtre de nous-memes. Pour lui « la Persona est ce que quelqu 'un n 'est pas en realite. mais ce que lui-meme et les autres pensent de lui ». Elle n'est qu'une realite secondaire liee au fait que nous avons un nom. un titre, une charge ou une fonction dans la vie. C'est tout simplement notre ego. II parlera aussi de l'archetype de V« Ombre ». Selon Jung. « L'Ombre est la partie psychique de nous-memes qui n'est pas dans la lu miere du conscient, parce qu 'elle est tombee dans l'inconscient ». En psychologic des profondeurs, 1'Ombre correspond a 1’aspect sombre et negatif de notre personnalite, e'est-a-dire a nos propres defauts. Notre Ombre est aussi parfois ce que nous n'aimons pas chez autrui, ce qui chez lui genere de 1'hostilite et qui n'est en realite que le reflet, la projection, de ce que nous sommes nous-memes. Jung a egalement cree les concepts d'« Animus » et d'« Anima » pour desi gner ce qui influence le rapport du moi avec le monde interieur. L'Animus est la personnification de la nature masculine de l'inconscient de la femme, tandis que 1'Anima personnifie la nature feminine de l'inconscient de l'homme. L'Anima correspond a des qualites tel les que 1'in tuition. Ia sensibilite, la receptivite, etc., alors que 1'Animus correspond a des qua lites comme 1'autorite, la fermete, la rigueur, la force. Enfin, selon Jung, tous les archetypes ont en leur centre un ar chetype de l'ordre et de la totalite de l'homme, le Soi, e'est-a-dire le Moi divin. le Maitre interieur, le Guide spirituel. Jung a ecrit a ce sujet : « Le Soi est non settlement le centre, mais aussi le perimetre qui inclut conscient et incons cient ; il est le centre de cette totalite comme le moi est le centre de la conscience Le Soi est aussi le but de
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la vie. car il esl I'expression la plus com plete de ces combinaisons du destin que I'on appelle un individu ». A cette etape de notre expose, nous pou vons faire deux observations importantes. La premiere concerne la structure de notre conscience humaine qui, au lieu de former un ensemble coherent, uni et harmonieux, est au contraire composee d'entites Ires distinctes. Jung parle d'une « scission de I ’ame qui engendre le mal en nous, I ’angoisse, le gardien du seuil qui nous empeche de retablir / ’harmonic entre ses differentes parties ». Le but du processus d'individuation est precisement de parvenir a 1'union harmonieuse entre les differentes composantes de la psyche et d'etre a 1'unisson avec soimeme. « Cette re-unification, nous dit Jung, consecutive aux differentiations anterieures necessaires, procede par conjonction d'opposes, oil I'unite est affirmee en meme temps que maintenue la difference des elements ».
L a m e h u m a in e La deuxieme observation concerne la na ture spirituelle double de l'homme. En effet, celui-ci possede une Ame divine parfaite, le Maitre interieur. qui a sa source dans la Divinite elle-meme, et une ame individuelle imparfaite. qui traduit le degre d'expression que nous donnons dans notre vie courante aux qualites de 1'Ame divine. Mais ces deux energies ne sont pas vraiment distinctes : elles s'interpenetrent sur le plan vibratoire, et sont indissociables. L'ame individuelle, leAdisciple, evolue done au contact de l'Ame divine, le Maitre. celle-ci infusant de plus en plus de sa Sagesse a la premiere par suite de 1'assimilation, par 1' individu, des legons de la vie et de la transmutation de ses defauts en leurs qualites opposees. C'est pourquoi les anciens alchimistes, explorateurs de la nature profonde de l'homme, parlant en symboles ou en nietaphores, disaient que « Les excrements ou le fum ier sont la matiere premiere a partir de laquelle on pent fabriquer le metal incorruptible ou or ». Le metal in corruptible est l'ensemble des vertus spirituelles de l'ame. C'est pourquoi ils disaient aussi : « Ce q u 'il y a de plus eleve en ce monde est a rechercher dans ce qu 'il v a de plus bas ». Ainsi, lorsque s’est produite la conquete de 1'Ombre et la prise de conscience de 1'Animus ou de 1'Anima, le Soi surgit. d'une certaine ma niere, dans le reve, sous forme symbolique. C'est ce qui constitue I'un des aspects fondamentaux du processus d'in dividuation preconise par Jung, et que nous allons aborder maintenant de ma niere synthetique. Tout le processus d'individuation peut se resumer en une loi qui est a I'oeuvre dans l’univers, dans la nature et dans l'homme lui-meme. Les anciens alchimistes avaient coutume de le caracteriser en trois mots : <•
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dividuation est celui de I'oiseau mythique : le Phenix. Selon la legende, quand ce dernier sent ses forces le trahir, il se prepare un bucher, se pose dessus, y met le feu et se consume. Au milieu de ses cendres, on voit apparaitre, au bout d'un certain temps, un ver qui est le serme du Phenix renouvele. Le Phenix s'embrase done au feu de I'immortalite pour se regenerer. Le paradoxe reside dans le fait que ce qui le fait mourir est aussi ce qui le fait revivre, a I'image de la crucifixion de Jesus sur la Croix, pour les Chretiens. De meme, nous devons, non pas tuer le « vieux m i », notre ego, mais le transmuter, et faire germer a sa place les vertus spirituelles de l'Ame parfaite en nous.
T r o is e t a p e s Selon Jung, le processus d'individuation comprend trois etapes essentielles : 1'ana lyse, la confrontation avec 1'Ombre, et la confrontation avec 1' Anima ou VAnimus. Uanalyse est ce qu'il appelle « la grande psychothempie » menant a la realisation du Soi. Elle est « I'action de delier, de dissoudre la conscience en ses differents elements constitutes ». C'est aussi le pre mier grand arcane de la psychologic des profondeurs, que Jung nomme « la dis solution de la conscience » ou la reduc tion du sujet en la Materia Prima. II compare cette etape a la premiere grande operation alchimique appelee « Putre faction » ou « Nig redo ». Jung est venu a l'alchimie alors qu'il etait deja bien avance dans son experience interieure. Cela lui a permis de rapprocher, sans les confondre, les deux langages : celui de l'alchimie et celui de la psychologic moderne. La deuxieme etape. celle de la confron tation avec 1'Ombre, la partie cachee de notre inconscient, est le trait distinctif de la psychologic des profondeurs. Ce stade de I'oeuvre correspond d'abord a la prise en consideration de nos defauts, puis a leur transmutation en leurs vertus opposees. C'est done 1'etape de la Purifica tion, dont les grands psychologues connaissaient 1'importance et qu'ils nommaient la « voie purgative ». Dans la terminologie de Jacob Boehme. inspiree de la Kabbale. c'est «l a colere de Dieu opposee a Son oeuvre ». Cette phase s?accompagne de conflits provoques par la mise en presence des opposes, que Jung appelle la « collision des devoirs ». En effet, I'individu parvenu a cette etape fait face a des litiges qu'il doit trancher seul, sans reference, et s'expose aux critiques de ceux qui I'observent sans soupgonner son drame interieur. « La collision des devoirs, dit Jung, est la pierre de touche de I'individuation ». C'est par ce moyen que s'opere le passage a un degre superieur de conscience, la naissance du Soi. La confrontation avec 1'Anima, troisieme etape du processus d'individuation, a pour equivalent chez la femme le dia logue avec 1'Animus. Pour Jung, la ren contre avec l'archetype de 1'Anima est
une phase capitale de revolution spiri tuelle. « Si, dit-il, I'explication avec I'Ombre est I'a'uvre de I'apprenti et du compagnon, I'explication avec I'Anima est !'
L es r e v e s Dans la pratique, le processus d'indivi duation s'appuie sur 1'interpretation des symboles reveles par les reves. II com prend essentiellement deux volets : I'un theorique et I'autre pratique. Le volet theorique est constitue par la lecture et le commentaire des livres anciens, 1'inter pretation de leurs maximes et de leurs images archetypiques. C'est pourquoi Jung a souvent insiste pour que les psy chologues « aient une culture mythologique et religieuse etendue » ; nous pouvons ajouter hermetique, car cette culture est la base de la comprehension du sens de certains reves. En effet, pour Jung, un reve est une production naturclle, au meme litre qu'un arbre ou une flcur. Comme il se compose de symboles, il offre un vaste champ a 1'interpretation. Le symbole n'esl pas, pour Jung, une simple allegoric ; il donne une image de I'inconscient a un moment determine. Le volet pratique consiste a mediter sur les symboles et les images fournis par les songes et a les interpreter. L'ecole de
Jung preconise pour cela deux modes d'interpretation des images oniriques : I'amplification et I*imagination active. Dans ce qui est appele « amplification », 1'image rencontree dans un reve a en ellememe une place et une signification dans l'ensemble de l'univers humain. Prenons un exemple generalement cite a ce propos : si je reve que je suis coupe en morceaux et que je me limite a la contemplalion de cette image, je risque fort de ne retenir que son aspect sinistre et tragique, etant alors situe sur le plan de I'objet. Mais cette image peut symboliser egalement un archetype. En effet, si je me souviens du mythe d'Osiris, je saisirai que cette mort peut etre une etape de la transformation qui doit conduire a ma resurrection, e'est-a-dire a ma renais sance spirituelle ; ce faisant. je me situe alors sur le plan du sujet. La plupart du temps. les deux plans ne sont pas dissocies. II convient meme de les examiner successivement, car 1'exterieur est le re flet de 1'interieur.
L ' in d iv id u a t io n En quoi consiste la methode de 1’imagi nation active ? Elle a pour but de choisir, a I'etat de veille. un fragment de reve ou un phantasme, et a fixer librement son at tention sur lui. Le sujet observe ainsi, en temoin vigilant, le libre jeu des images qui peuvent defiler sur l'ecran de sa conscience, tout en exer^ant, s'il le faut, des choix selon son inclination interieure. II s'agit la d'une entreprise de longue haleine. Mais cela fait progressivement en trer I'individu en contact avec des zones de plus en plus profondes de son ume, et avec les energies qui en emanent. Cette etude sommaire du processus d'in dividuation, loin de nous avoir emmenes dans un univers inconnu. nous interpelle sur deux points : le role dynamique de 1'inconscient dans notre vie. et 1'impor tance que nous devons accorder a nos reves. Mais comment tirer un enseignement de nos reves, sans recourir neces sairement a toutes les techniques du processus d*individuation qui ne nous sont pas familieres ? Ce que nous devons faire, c'est d'abord nous convaincre de 1'importance et du role des reves dans notre vie ; puis chercher a nous en sou venir aulant que possible et les noter dans un cahier specialement destine a ce but ; enfin, prendre, dans une ou plusieurs se quences du reve, les images et les idees qu'elles renferment, travailler sur elles, chercher a comprendre la symbolique qu'elles convoient, et ecrire ce qui nous vient a I 'esprit par association d' idees. Une fois le sens du reve compris, il faut faire l'effort necessaire pour agir au quotidien dans le sens du message qu'il vehicule. Jean Massengo
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De la Genese au Prologue de Jean L'article ci-dessous est extrait de la revue Pantacle, publication annuelle de I'Ordre Martiniste Traditionnel. Cette revue, consacree a I'esoterisme et a la spiritualite occidentale, est destinee avant tout aux Martinistes, mais elle est accessible a toute personne interessee par les sujets traites. a Genese presente deux recits de la Creation qui different tant par leur portee doctrinale que par leur style litteraire. Le premier recit, celui des sept jours de la Creation, appartient a la tradi tion sacerdotale ; il a la forme d'un textc destine a la proclamation liturgique. La composition ordonnee est ponctuee de re frains. C'est une veritable prose rythmec. Des pieties de Jerusalem en auraient commence la redaction avant l’exil a Ba bylone, et la mise cn forme definitive daterait du retour d'exil. Le second recit. oil « I'homme devint une dme vivante », adopte une expression plus humaine, plus narrative, voire poetique. II appartient a la tradition yahviste, denomination en relation avec I’emploi du tetragramme dans 1‘expression IHVH (yhawe) Elohim. C'est 1'apparition de cette expression qui permet de situer la transition entre les deux recits, au milieu du verset 4 du chapitre 2. Le recit sacer dotal situe rhom m e dans I’univers ; le recit yahvistae presente un decor desertique transforme par Dieu en un jardin luxuriant. Dans le recit sacerdotal, I'homme n’apparait qu'au terme de la creation de 1'univers, alors que le recit yahviste presente I'homme dans sa rela tion avec les animaux. la femme et Dieu.
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G e n e s e , p r e m ie r r e c it d e l a C r e a t io n ( G en 1 - 2 ,4 a ) Nous n'aborderons que le premier recit, le texte sacerdotal, qui est le plus riche du point de vue symbolique. Ce recit de la Creation est le premier de la Torah - ou Pentateuque terme definissant les cinq premiers livres de la Bible. Ce texte etait certainement utilise pour la liturgie et l'instruction, d'oii sa structure qui facilite la memorisation. Le mouvement est oriente vers la sacralisation du septieme jour. ce qui nous permet de penser que ce texte etait destine a la celebra tion d ’une fete en l'honneurdu Createur. A Babylone, une telle fete etait celcbrce a l’equinoxe de printemps, en l'honneur du dieu Marduk. Le poeme de la Crea tion y etait lu le quatrieme jour. Avant d'examiner le premier mot de la Bible tysarb, arretons-nous sur sa pre miere lettre : la lettre b (beith). C ’est la seconde de 1'alphabet, associee au nom bre « deux ». Symboliquement. elle nous
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Saint-Jean su r I'ile d e Patm os, p a r B erto di Giovanni
indique l’entree dans la dualite. ce que nous allons verifier. Beith est d'ailleurs une lettre double, pouvant se prononcer « V » si elle n'est pas accentuce, ou « B » si elle comporte un accent appele daguesh. C'est ici le eas. Autrement dit, si la lettre represente la dualite, ce point d’accentuation place en son sein symbo lise l'unite divine. La premiere lettre de la Genese nous indique cicja que l'unite di
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vine va se manifester dans 1’univers spatio-temporel par la loi de dualite. Si le premier mot tysarb commence par la lettre b (beith). il se termine par la let tre t (thaw), derniere lettre de 1'alphabet hebreu. Symboliquement, « de h (beith) a t (thaw ) » equivaut a notre expression « de A a Z ». En effet. s'agissant du monde cree. la lettre a (aleph), represcntant Dieu, ne peut y etre incluse.
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Cc premier mot est tradii it de differentes fagons : « Au commencement, en tete... ». Le mot hebreu signifie bien « commen cement, debut » ou encore « principe ». Ce que confirme la version grecque de la Septante qui traduit par en arch, signifiant « au commencement, a Vorigine, au point de depart ». La traduction rigoureuse, que Ton trouve dans la version bilineue des editions Colbo, est : « Au commencement, Dieu avait cree le d e l et la terre ». Cette traduction respecte scrupuleusement le sens de 1*accompli. En hebreu, il y a deux formes verbales majeures: 1'accompli et l'inaccompli. Cette phrase traduit un paradoxe : com ment le ciel et la terre etaient-ils deja crees. au commencement ? Nous allons tenter de repondre a ce questionnement. Certes, la terre etait creee, mais la terre etait encore a l'etat chaotique. C'est le fameux tohu (et) bohu (whbw wht), qui associe les deux mots triliteres : wht et whb. wht associe la lcttre t (thaw) aux lettres h (he) et w (waw), qui sont deux lettres appartenant au tetragramme divin. whb associe la lettre b (beith) aux lettres h (he) et w (waw). qui sont deux lettres appartenant au tetragramme divin. Nous retrouvons encore la deuxieme et la derniere lettre de 1'alphabet hebreu. qui sont ici sacralisees par la presence des lettres du tetrasramme divin. Ce tohubohu incluait done la totalite du monde en devenir. Ces deux lettres forment le mot tb (fille). La Creation n'est-elle pas 1' engendree, la fille ? Un peu de guematrie va encore nous eclairer : wht vaut 6, whb vaut 4, leur to talite vaut 10. qui symbolise la totalite. se reduisant a 1. le Tout. « Les teneb res etaient a la surface de I 'abime, et le souffle de Dieu plcmait stif les faces des eau.x ». Les deux premiers versets presentent l’etat primordial en core inorganise de la materia prima: chaos, tenebres, eaux primordiales... Le souffle de Dieu represente l'Esprit qui allait mettre en ccuvre 1'action cicatrice par la puissance du Verbe : « Dieu d i t : Que la lumiere so it! ». Cette introduction du premier chapitre de la Genese nous pre sente les deux aspects du Divin dans le
« Creation du ciel et de la terre, des arbres e t herbes, des astres et de tous les anim aux », gravure d e Jean Cousin, extra ite d e « Figures de la Bible »
Gravure de Raphael Sadeler; repr^sentant Dieu au centre de la Creation
monde manifeste : le passif et I'act if. Nous comprenons mieux qu'au com mencement. le ciel et la terre avaient deja etc crees en substance, mais sans forme ; crees certes, mais a l'etat chaotique. Tout etait pret pour que commence l ’action organisatrice du Verbe, ou parole divine. Les six jours des huit actions ci catrices La Creation se deroule en six jours, le
L 'I m m e n s i t £ d iv in e « Avant le temps, Dieu emano des etres spirituels, pour Sa propre gloire, dons son Immensite divine. Ces etres avaient a exercer un culte que la Divinite leur avait fixe par des lois, des preceptes et des commandements eternels. Ils etaient done libres et distincts du Createur, et I'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel ils avaient ete emanes, sans detruire en eux la faculte, la propriete et la vertu spirituelle et personnelle qui leur etaient necessaires pour operer avec precision dans les bornes ou ils devaient exercer leur puissance. C'etait positivement dans ces bornes ou ces premiers etres spirituels devaient rendre le culte pour lequel ils avaient ete emanes. Ces premiers etres ne pouvaient nier ni ignorer les conventions que le Createur avait faites avec eux, en leur donnant des lois, des preceptes et des commandements, puisque c'etait sur ces conventions seules qu'etait fondee leur emanation ». Martines de Pasqually, «Traite sur la reintegration des etres» (Diffusion Rosicrucienne)
septieme jour voit la consecration de I'oeuvre achevee. En realite. nous observons huit actions cicatrices . Creation de la lumiere et separation du jour et de la nuit. . Creation des cieux qui separent les eaux d’en bas et les eaux d'en haut. . Separation du sec et de 1'humide. de la terre et de la mer, . Creation des vegetaux, . Creation des luminaires : soleil, lunc et ctoiles, . Peuplement des eaux et des cieux (poissons et oiseaux), . Peuplement de la terre, . Creation de l'homme et attribution de la nourriture. Plus que des creations, les trois premieres actions sont des separations le jour, de la nuit - les eaux d'en haut, des eaux d'cn bas - le sec, de 1’humide. Trois actions qui manifestent 1’entree dans la dualite. C'est cette entree dans la dualite qui per met la manifestation de 1'univers spatiotemporel, par la mise en action de la loi du triangle. Le redacteur de la Genese tenait absolument a organiser la Creation suivant un
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DOSSIER schema hebdomadaire. C'est ties habilemerit qu'il repartit les huit actions cica trices en six jours. Nous devons observer une correspondance entre les trois pre miers jours et les trois derniers jours. Au premier jour correspond le quatrieme. au second jour correspond le cinquieme et au troisieme jour correspond le sixieme. C'est ce que nous allons detailler maintenant. Le premier jour. Dieu cree la lumiere. Une lumiere bien mysterieuse, puisqu'il ne peut s'agir de la lumiere visible. En effet, le soleil, la lune et les etoiles ne sont pas encore crees. Cette lumiere ne peut done etre que 1'energie primordiale a 1’origine de toute manifestation. La se paration lumiere/tenebres peut s'inter
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preter comme 1'introduction de la bipolarite. Ce jour n'est pas appele premier jour, mais « jo u r un » ; ce qui est ties judicieux. Les nombres ordinaux ne peuvent s'utiliser qu’a partir de deux. Pour qu'il y ait un premier, il faut au moins deux participants. L'expression « jo u r un » precise que ce premier acte est unique, qu'il est la manifestation du Un, mais du Un qui inclut leTout. Trois jours plus tard cette lumiere originelle va se densifier avec 1'apparition du soleil. de la lune et des etoiles. La dualite est encore soulignee par 1'astre du jour et l'astre de la nuit. Cenergie primordiale du premier jour se manifeste par la lu miere visible, trois jours plus tard. Le deuxieme jour voit la separation des
L IV R E DE L 'H O M M E E T LE L IV R E DE LA N A TU RE
Dans leurs travaux, les Martinistes n'emploient ni theurgie ni magie, c ar ils se conforment a l'id£al du Philosophe Inc onnu : « Conduire I'esprit de I'homme par une voie naturelle oux choses surnoturelles qui lui oppartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement I'idee, soit par sa degradation, soit par I'instruction fausse de ses instituteurs ». Pour cela, il est inutile d'accumuler un savoir intellectuel, car «ce n'est pas la tete qu'il faut se casser, mais le coeur». Dans son travail, le Martiniste utilise deux livres : le «Livre de la Nature» et le «Livre de rHomme». La nature est « la vraie come d'abondance pour notre etat actuel... Elle est en effet le point de ralliement de toutes les vertus creees... Ainsi, toutes ces vertus divines, ordonnees par le grand principe pour cooperer a la rehabilitation des hommes, exis tent toujours autour de nous ». Cela signifie que Dieu a seme dans la na ture les symboles de Sa sagesse, afin que nous puissions la d£c ouvrir par nous-memes. Aussi constitue-t-elle pour I'lnitie un immense reservoir de connaissances. Le « Livre de I'Homme » es t egalement essentiel pour le Martiniste. Selon SaintMartin, rhomme est le «seul livre ecrit de la main de Dieu» ; c'est en lui que se trouvent ecrites toutes les lois de I'univers, car «toutes les verites importantes et fondamentales (existent) dans tous les hommes avant d'exister dans aucun livre». La Connaissance n'est done accessible que par I'introspection, e'est-a-dire par le retournement vers le centre de I'etre, le cceur, a propos duquel le Philosophe Inconnu nous d it : « il est I'organe et le lieu ou se rendent toutes nosfacultes et ou elles ma n ifested leur action ; et comme cesfacultes tiennent a tous les regnes qui nous constituent, soit le corporel, le spirituel et le d i v i n , l e coeur est le rendez-vous et I'expression continuelle de I'ame et de l'esprit». Ce retournement de I'etre vers son centre, cette contemplation interieure, correspond a la priere veritable, car elle «imbibe notre ame de ce charme sacre, de ce magisme divin qui est la vie secrete de tous les etres ».
Dieu e t A dam , pa r M ich el Ange
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Schem a de la Creation, de Jacob Boehm e
eaux d'en haut et des eaux d'en bas, par la creation des cieux. En hebreu. les eaux et les cieux n'existent qu’a la forme duelle. une forme grammaticale qui s'applique a tout ce qui est double - en he breu moderne, les lunettes qui ont deux verres et les bicyclettes qui ont deux roues. Trois jours plus tard le cinquieme jour, le ciel et les eaux sont peuples par les oiseaux et les poissons. Le troisieme jour marque le regroupement des eaux qui permet l’emergence des terres. Mais c'est aussi le jour de 1'apparition des vegetaux. Trois jours plus tard le sixieme jour, nous observons aussi deux etapes : le peuplement de la terre avec les animaux et la creation d' Adam. Que les terres emergees le troi sieme jour se peuplent le sixieme jour, c'est conforme aux correspondances deja observees. Mais quelle correspondance peut-il y avoir entre 1'apparition des ve getaux le troisieme jour et ce qui se produit trois jours plus tard ? Le sixieme jour. Dieu precise qu'il a donne les vege taux comme nourriture pour Adam et pour les animaux terrestres.
Im po rtan ce du sy m b o u sm e DU NOMBRE TROIS Ce premier chapitre est structure sur la symbolique du nombre trois. Nous venons de voir la correspondance entre les trois premiers jours et les trois jours suivants. Le second jour manifeste une hie rarchic a trois niveaux : les eaux d'en bas. les cieux et les eaux d'en haut. Le troi sieme jour, les especes vegetales creees sont au nombre de trois herbes. graminees et arbres. Le quatrieme jour, trois sortes de luminaires apparaissent : le so leil, la lune et les etoiles. Dans un premier temps, il est precise qu'ils ont trois fonctions : separer le jour de la nuit. scrvir de signes pour fixer les fetes et illuminer la terre. Dans un deuxieme temps, il nous est dit qu'ils sont la pour trois raisons il luminer la terre, presider au jour et a la nuit, et separer la lumiere des tenebres. Le cinquieme jour. Dieu donne trois or dres aux poissons et aux oiseaux: fructifiez, multipliez et emplissez. Le sixieme jour, trois formes de vie animale appa raissent sur terre : le betail, les reptiles et les betes sauvages. L'ordre est donne a
LE M A R T I N I S M E
L'Evangile selon Jean confirme cette in terpretation, lorsqu'il precise « que nul n 'a vu le Pere, si ce n est celui qui vient de Dieu. Lui (Jesus), il a vu le Pere » (Jean 6,46). Le septieme. jour, la Creation est achevee. Dieu benit et consacre ce jour. Cette formule traduit bien la forme sacerdotale de cc texte, destine a la liturgie.
Adam de fructifier, multiplier et emplir. Le pouvoir lui est donne sur les poissons (eau), sur les oiseaux (air) et sur les animaux terrestres (terre). Le but de ce texte n'est pas de presenter une conception scientifique de la cosmo gonic, mais d'etablir une hierarchic dans la Creation. La Genese s'acheve par la creation de l'Adam. La Septante traduit par anthropos, qui n'a pas d ’equivalent en fran^ais : nous pourrions rendre son sens par «■humanite » ou « espece humaine ». En traduisant par « homme », nous introduisons un concept sexue qui n'existe ni dans le texte hebreu ni dans sa version grecque. Ainsi. la precision « homme et femme il les crea » coule de source. Adam est place au sommet de la hierarchic : tous les etres vivants lui sont soumis (Gen 1.26), et les vegetaux lui sont donnes comme nourriture. La creation de l'homme « I'image et a hi ressemblance de Dieu » donna lieu a de nombreuses interpretations. Dans son commentaire de la Genese. Basile de Cesaree explique ties bien cette dualile : « Nous possedons I 'image par la Crea tion, mais nous acquerons la ressem blance par la volonte ». En termes martinistes, nous pourrions traduire : 1’ image est 1’effet de la Providence, la ressemblance est le resultat de la volonte. Ce texte accorde aussi une certaine pre ference aux oiseaux et aux poissons. car comme Adam, trois choses leur sont reservees : ils sont crees. ils sont benis. et ils reqoivent l'injonction : fructifiez, multipliez et emplissez. Les actions que ce texte attribue a Dieu sont : dire, voir, nommer, faire, creer, benir et separer. La seule perception ob jective attribute a Dieu est ici la vision. Mais parlant de Dieu, ne s'agit-il pas de la vision interieure ou connaissance ?
L a p a r o l e c r e a t r ic e
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La tentation d'Eve, p a r Wiliam Blake
Dans la Torah, Dieu seul a le pouvoir de creer. C'est par la parole que Dieu cree : a neuf reprises, nous trouvons I"expres sion «Dieu dit». Soit les huit actes createurs et l'attribution de la nourriture. C ’est precisement ce theme de la parole creatrice que nous retrouvons au premier verset de la premiere page de 1'Evangile selon Jean. « Au commencement etait le Logos, et le Logos etait tourne vers Dieu, et le Logos etait Dieu ». Le mot grec logos corres pond a l'hebreu dabar, qui signifie aussi bien la parole que la chose. Le Logos serait la parole en acte, la parole creatrice du premier chapitre de la Genese. 11 est le principe act if donnant forme au principe passif, la materia prima. Les stoiciens consideraient le Loaos comme w 1'esprit du monde. Pour Phi Ion d'Alexandrie. le Logos est le lien de 1'uni vers, un lien indestructible ; creature de Dieu. il serait l'intermediaire entre Dieu et les hommes. Le quatorzieme verset du Prologue nous precise que le Logos s'est fait chair. Autrement dit. en l'homme Jesus s'incarne le Logos, la parole creatrice. Le prologue du quatrieme Evangile presente done leschouah comme etant createur de toute chose, e'est-a-dire le Grand Architecte de I'Univers. Paul de Tarse avait deja reconnu en Christ le createur de l'univers. Dans I’epitre aux Colossiens, il dit : « Tout est cree par lui et pour lui » (Col 1,16) et dans la premiere epitre aux Corinthiens, il precise : « II n 'y a pour nous qu un seul Dieu, le Pere, de qui tout vient et vers qui nous allons, et un seul Sei gneur, Jesus Christ, par qui tout e.xiste et par qui nous sommes » (1 Cor 8,6). Pour conclure sur la conjonction entre les deux pages ouvertes, nous preciserons que 1'Evangile de Jean et la Genese commencent par la meme expression : « Au commencement ». Une etude suematrique demontre que la valeur numerique du premier verset de la Genese et du pre mier verset du prologue de Jean traduit en hebreu donnent le meme resultat : 2701, qui peut se reduire a 10 et done a 1. Sa decomposition en produits de facteurs se limite a une seule solution : 37 x 73 qui presente une tres belle symetrie a par tir des nombres symboliques de la Ge nese : trois et sept. Mais 37 et 73 sont aussi les deux valeurs guematriques du mot sagesse en hebreu : hmkx (8 + 20 + 40 + 5 = 7 3 et + 11 + 13 + 5 = 37). Selon la cosmogonie sacerdotale. apres avoir termine son ccuvre, Dieu semble se rctrancher dans le repos sabbatique.
« L'Ancien des jo u rs », p a r William Blake
L'Evangile de Jean corrige cette vision en precisant que Dieu est constamment a 1'oeuvre. Nous trouvons cette information dans le recit de la guerison du paralytique. lorsque les Juifs reprochent a Jesus d'avoir accompli la guerison le jour du sabbat. « Mais Jesus leur repondit: Mon Pere, jusqu ‘a present, est a I ’ouvre et moi aussi je suis a Touvre ». (Jean 5,17.) II est remarquable que cette precision soit apportee a propels du sabbat. qui corres pond a la sacralisation du septieme jour de la Creation.
L 'e T U D E E T L A P R lfiR E «L'etude sans la priere, a dit autre fois un sag e, es t un v eritable atheisme, e t la prier e sans Vetude une vaine presomption. C'est-a-dire que celui qui croit pouvoir acquerir une vraie lumiere par I'etude et par la seule f orce de son applic ation, pense e t agit c omme un a thee, et que celui qui presume que pour obtenir la connaissance de la verite, il lui suffit de la demander dans ses prieres, sans faire aucun effort pour la decouvrir et sans mediter sur ses voies, n'est qu'un homme pr£somptueux, lache ou indifferent pour elle. Le pr emier n' acquerra qu' une science vaine et dangereuse ; Tautre restera dans l'ignorance». Jean-Baptiste Willermoz «Mes Pens^es et celles des autres»
La premiere page de la Genese et la pre miere page de 1'Evangile selon Jean se completent. L'une nous presente la vision sacerdotale de la Creation, 1’autre nous introduit au mystere de Ieschouah. Grand Architecte de I’Univers, incarnation du Logos et divin Reconciliateur.
M ichel Armengaud
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L'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix Depuis sa fondation, I'Ordre Martiniste Traditionnel est parraine par I'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. C'est ce qui explique pourquoi de nombreux Martinistes sont egalement Rosicruciens. II nous semble done opportun de nous arreter sur l'A.M.O.R.C., qui constitue actuellement le mouvement rosicrucien le plus actif dans le monde. A cet effet, nous avons demande a Serge Toussaint, Grand Maitre de la juridiction francophone, de nous le presenter. (II est aussi le Grand Maitre de la juridiction francophone de I'O.M.T.).
Une loge rosicruciennne
ans la plupart des livres de refe rence, I’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix est defini comme un mouvement philosophique, initiatique et traditionnel. ouvert aux hommes comme aux femmes, sans dis tinction de race, de classe sociale et de re ligion. Depuis toujours, il a pour devise « La plus large tolerance dans la plus stride independance ». Pour comprendre ce qu'il est, je pense que le mieux est d'expliquer precisement en quoi il est philosophique, initiatique et traditionnel.
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N o n r e l ig ie u x Mais avant de le faire, il me semble utile de preciser que l'A .M .O .R.C . n'est pas une religion, ce qui explique qu’il compte parmi ses membres des personnes de toutes confessions religieuses, parmi lesquelles des Juifs, des Chretiens, des Bouddhistes, des Musulmans, des Animistes, ou autres. En cela. il ne se rattache pas a un Prophete ou un Messie tels que Moise. Jesus, Bouddha ou Mahomet, pour ne citcr que les plus connus. De
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meme. son enseignement ne repose pas sur un Livre sacre comparable a la Bible, au Tripitaka ou au Coran. J ’ajouterai qu'il est depourvu de tout dogme, que ce soit d'ailleurs sur le plan doctrinal ou moral. Certes, son symbole est une RoseCroix, ce qui peut laisser supposer qu'il est lie au Christianisme. II n'en est rien. Pour les Rosicruciens, la croix represente le corps physique de I’homme. Quant a la rose, placee au centre, elle symbolise son ame. Cela revicnt a dire que la RoseCroix, dans son ensemble, represente la
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dualite de tout etre humain, cc qui fait d'elle un symbole, non pas religieux, mais traditionnel et universel. Cela etant, l'A.M.O-R.C. est respectueux de toutes les religions, au point que ses membres restent entierement libres de continuer a pratiquer celle de leur choix. A propos de religion, je souhaiterais lever une equivoque. On a tendance a penser que toute personne qui croit en Dieu ap partient necessairement a une religion. Pourtant. on peut ties bien avoir la foi sans suivre un credo religieux. Quant a Dieu Lui-meme, on peut en avoir une conception differente de celle qui est pronee par les religions. C'est ainsi que les Rosicruciens ne Le voient pas comme un Surhomme siegeant quelque part dans le ciel et decidant Seul de notre destinee. Pour eux, Dieu S’apparente plutot a TIn telligence absolue qui est a Forigine de toute la Creation et dont F Essence impregne et anime tout ce qui existe. En tant que tel. il est impossible de Le comprendre ou de Le connaitre. En revanche, on peut etudier les lois par lesquellcs II Se manifeste dans Funivers. dans la nature et dans F homme lui-meme. Vous noterez que cette conception de Dieu n’est ni dogmatique ni partisane. et qu elle est plus scientifique que religieuse. Le mysticisme et la science ne sont d'ailleurs nullement incompatibles. On peut meme dire qu'il s'agit de deux voies complementaires de Connaissance, les mys tiques s'interessant plutot au pourquoi des choses et les scientifiques au com ment
firent connaitre en Allemagne, en Angleterre et en France par trois Manifestes devenus celebres dans le monde de Fesoterisme : la « », la « » et les «■
Fatna Fraternitatis Confessio Fraternitatis Noces cliymiques de Christian Rosenkreutz », publies respectivement en 1614.
1615 et 1616. De nos jours, on sail que ces Manifestes, qui melent des recits a la fois historiques et allegoriques, ont ete rediges par un College de Rosicruciens eminents : le fameux « ». Quelques annees plus tard, en 1623, une affiche placardee dans les rues de Paris fit connaitre davantage FOrdre de la Rose-Croix. Dans les siecles qui suivirent. cet Ordre perdura sous des formes et des appellations diverses. pour finalement resurgiren 1909 sous le nom d ». Precisons que FA.M.O.R.C. publia en mars 2001 un quatrieme Manifeste. la « », que des historiens comme Roland Edighoffer et Antoine Faivre situent dans la lignee des M ani festes du X V IF siecle.
gen
Cercle de Tubin
V Ancien et Mystique Ordre de la RoseCroix
Rosae-Crucis
Posit io Fraternitatis
Mais s' il est un fait que les origines his toriques de la Fraternite rosicrucienne se situent au X V II0 siecle, son heritage tra ditionnel est beaucoup plus ancien. puisqu'il remonte a I'Egypte antique. De nos jours, nous savons qu’il existait dans ce pays des ecoles regroupant des chercheurs qui s’ interessaient aux mysteres de Fexistence, d’ou leur nom ». Ces chercheurs, ces mys tiques. elaborerent graduellement une connaissance secrete, une gnose. qui se repandit bien au-dela des frontieres egyptiennes. C ’est ainsi que des philosophes grecs comme Heraclite. Thales, Pythagore et bien d’autres, apres avoir etudie de nombreuses annees en Egypte. fonderent leur propre ecole de mysteres en Grece. A leur tour, des penseurs de la Rome antique etudierent les mysteres grecs, eux-memes inspires des mysteres egyptiens, et creerent egalement des cen tres d'etudes dans leur pays. Par la suite, cet heritage esoterique fut recueilli par les Alchimistes du Moyen-Age. puis par les Rose-Croix de la Renaissance. Nous voyons done que parallelement aux reli-
d'« ecoles
de mysteres
A
A p o u t iq u e Outre qu'il n'est pas une religion, il faut savoir egalement que FA.M .O.R.C. est totalement apolitique. Pour etre plus pre cis, toute discussion politique est interdite au sein de I'Ordre. Naturellement. tout membre est entierement libre de ses opinions et de ses actions dans ce domaine, mais il ne doit pas en faire etat lors des activites rosicruciennes. Et c’est precisement parce que I'Ordre est apoli tique qu’il reunit des personnes ayant des opinions politiques differentes. parfois meme opposees, sans que cela ne pose le moindre probleme sur les plans relationnel et fraternel. Parailleurs, il encourage ses membres a s'interesser au devenir de la societe el a Fevolution du monde en general. C'esl ainsi que nombre d'entre eux s'impliquent a titre personnel dans des associations diverses et s'investissent dans des actions sociales, caritatives, etc. En cela, ils ont a cceur d'assumer au mieux leur role de citoyens. Venons-en maintenant plus precisement a ce qu'est FA.M .O.R.C., a savoir. comme je l'ai indique en preambule, un mouvement philosophique, initiatique et traditionnel.
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T r a d it io n n e l Sur le plan purement historique, I'Ordre de la Rose-Croix remonte au X V II0 sie cle, epoque a laquelle les Rosicruciens se
Ce m anifeste fu t sign6 d Bruxelles, en 1934, p a r les plu s hauts responsables de la F.U.D.O.S.I. II etablit officiellem ent que I'A.M .O .R.C . e st pleinem ent habilite d perp£ tu er dans le m onde !'heritage de ia u th en tiq u e Tradition Rose-Croix.
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I n it ia t iq u e Voyons maintenant en quoi 1'A.M.O.R.C. est un mouvement initiatique. II Test par le fait qu'il perpetue un enseignement graduel. ponctue par dcs initiations. Dans les siecles passes, cet enseignement etait dispense oralement, dans des lieux tenus secrets, afin d'eviter les persecutions religieuses ou politiques. C ’est pourquoi l'Ordre de la Rose-Croix etait considere jadis comme une societe secrete. Depuis le debut du X X Csiecle, l'A .M .O .R.C . s'apparente plutot a une organisation dis crete et transmet son enseignement par ccrit. Celui-ci se presente desormais sous la forme de monographics adressees aux membrcs d'une manierc confidcntielle. Ces monographies, qui consistent en des fascicules de quelques pages, s'echclonncnt sur douze degres majeurs. De mois en mois, d’annce en annce. dc degre cn degre. chaque membre de l'Ordre est done initio a ce que les Rose-Croix enseignent depuis des siecles sur les mysteres de Vexistence. Ce processus initiatique est particuliercment efficace, car il permet aux connaissances acquises de transcender I *intellect et de devcnir une partie integrante de la conscience de I’ame, cc qui est le but de toute quete veritablement mystique. Quel est done le contenu de Tenseigne ment rosicrueien ? Sans entrcr dans les details, je dirai qu'il traite des grands themes auxquels les mystiques se sont toujours interesses : la nature du Divin. les lois de la Creation, I'origine et la fi nal ite de l'univers. les concepts de temps
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gions clablics, une connaissance esoterique s’est transmise a travels les ages, d’ecole dc mysteres cn ecole de mysteres. Et dc nos jours, 1’A.M.O.R.C. cst Tun dcs heritiers dc ccltc connaissancc seculaire, d’oii son aspect traditionnel. Sur Ic plan etymologique, rappelons quc lc mot « tradition » vicnt du latin « tmdere », qui vcut dire « trammettre ». Ap plique a l’A.M .O.R.C., ce mot se rapporte a 1*heritage culturcl et spirituel qu'il transmet a travers son enseignement. Or. comme nous venons de le voir, cet enseignement cst ties ancien. puisqu'il prend sa source dans FEgypte antique, non sans avoir evolue au cours dcs ages. Vu sous cet angle, le qualificatif « traditionnel » vehicule l'idee d'anciennete et d'authenticite. II integre egalement la notion de filiation. C ’est ce qui explique pourquoi il existe de nos jours peu dc mouvements veritablement traditionnels. Quoi qu'il cn soit, l’A.M.O-R.C. se rattache traditionnellement aux Rose-Croix du passe et se consacre a perpetuer l'heritage qu'euxmemes avaient re^u de FAntiquite, et ce dans Fesprit humaniste et spiritualiste qui leurest propre. Au X V IICsiecle, Michacl Maier, Fun d'eux. disait d'ailleurs : « Nos origines sont egyptiennes, brahmaniques, issues des Mysteres d'Elen sis et de Sarnothmce, des Mages de Ferses, des Fythagoriciens et des Arabes »
Sym bole cr£4 p a r l'A .M .O .R.C . en 1998 d p a rtir d'un dessin realise p a r Frangois M&rindier, d l ‘occasion des Salons de la Rose-Croix tenus d Paris en 1893
et d'espace. la matiere en tant qu'energie et substance, le but ontologiquc de la vie. Fame humaine ct ses attributs, les phases de la conscience et les facultes qui leur sont propres, les phenomcnes psychiqucs, Falchimic dcs reves, lcs mys teres de la mort, de Fapres-vie ct de la reincarnation, la science des nombres. les symboles traditionnels, etc. Parallclement a ces themes d'etude, les monogra phies integrent egalement des experiences consacrees a Fapprentissage dc techniques fondamcntalcs sur le plan mystique, je pense notamment a la visua lisation, la meditation, la regeneration. Fevcil psychique. Fharmonisation astrale, la communion spirituel le et autres.
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Rappelons que Fenseignement rosicrucicn n'a aucun caractcre dogmatique. Autrement dit, les explications donnces sur tel ou tel sujet constituent davantage une source dc reflexion qu'une verite a laquellc il faut absolumcnt croirc. Une telle demarche cultive un esprit tolerant tout en posant les bases d'une personnaiite indcpendante dans le choix dc ses convic tions philosophiques. S'il est un fait que I'enseignement rosicrucicn se presente sous une forme ecrite depuis le debut du X X Csiecle. il existe dcs Loges chargees dc perpetuer F aspect oral de la Tradition rosicrucienne. Ce sont des lieux ou lcs mcmbres pcuvcnt se reunir rcguliercment pour participer a des
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DOSSIER travaux collectifs et partager des mo ments de fraternite. C ’est egalcment dans ces Loges que sont transmises les initia tions rosicruciennes. Etant donne qu*i 1 existe douze degres dans renseignement de rA .M .O .R .C ., tout membre qui le souhaite peut done recevoir douze initia tions dans le cadre de ses etudes. Si je precise « qui le souhaite ». c'est parce qu'elles ne sont pas obligatoires, mais conscillees. Par ailleurst on n'est pas oblige de se rendre dans une Loge pour en beneficier. Partant du principe que c'est en nous-memes que reside le plus grand des Initiateurs, il est possible de les effectuer chez soi, a l’aide d'une mono graphic prevue dans ce but. Sans devoiler le contenu de ces initiations, on peut dire qu'elles consistent en des ceremonies symboliques ayant trois buts majeurs : admettre ritucllement le candidal dans un nouveau degre, lui confier de nouvelles cles esoteriques. lui permettre de communier avec la partie la plus divine de son etre. Precisons qu'elles n'ont aucun caractere magique, theurgique ou occulte, car la magie. la theurgie et l'occultisme ne font pas partie des pratiques enseignees dans I'Ordre, et sont meme deconseillees.
rA.M .O.R.C. n'est pas unc voie de croyance, inais une voie de connaissance. Autrement dit, il n'est pas demande a ses membres de croire aveuglement a re n seignement qui leur est transmis. mais de toujours le soumettre au crible de la rai son et de 1’experimentation. En cela, la philosophie rosicrucienne n'est pas spe culative. mais operative, et le laboratoire des Rosicruciens n’est autre que le monde. C'est en effet au contact des au tres qu'ils appliquent la connaissance acquise afin, precisement, d'en faire une science de la vie utile au bien commun, ce qui lui donne un caractere profondement humaniste. A ce propos, voici ce que declara Francis Bacon, celebre RoseCroix du XV IItf siecle, pere de la metluxle experimentale : « La plus grande erreur de toutes consiste a se meprendre sur le but veritable de la connaissance. car cer tains ne sont pousses vers elle que par une curiosite naturelle et un temperament avide de savoir ; d'autres pour entretenir dans leur mental la variete et un cer tain plaisir ; d'autres par ostentation et pour etre bien consideres ; d'autres en core dans un but d'emulation et pour la victoire ; beaticouppour I'appat du gain ou pour gagner leur vie, et peu seulement pour se servir du don divin de la raison
dans I'interet de /'humanite ». Nous venons de voir en quoi les Rosi cruciens cultivent I'amour de la sagesse et la science de la vie. Mais si 1'on com bine ces deux definitions du mot « philo sophie », on en obtient une troisieme, a savoir « amour de la vie ». Trop souvent, on croit que le mysticisme exige que 1'on se prive des plaisirs legitimes de l'existence. Rien n’est plus faux. L'ideal est au contraire de mener une vie equilibree, ce qui suppose de repondre a la fois aux besoins du corps et aux aspirations de l’ame. C'est precisement pour cette rai son qu’un athee ou un materialiste ne peut etre heureux a long terme, pas plus qu'une personne qui se consacre cxclusivcment a la spiritualite. Partant de ce principe, l'A.M .O.R.C. laisse ses mem bres entierement Iibres de vivre comme ils l'entendent. ne les soumettant a au cune obligation ni aucune interdiction. A titre d'exemples, il ne leur demande ni d'etre vegetariens. ni dejeuner, ni de pratiquer 1’ascese, ni de s'abstenir de telle ou telle chose. Mais aimer la vie. c'est aussi la respecter sous toutes ses formes et la preserver dans sa diversite. C'est pourquoi les Rosicruciens accordent une grande importance a I'ecologie. la nature etant pour eux le plus beau des sanc-
II nous reste a voiren quoi l'A.M .O.R.C. est un mouvement philosophique. Tout d'abord. il faut rappelerque le mot « phi losophic » signifie litteralement « amour de la sagesse ». Cela suppose que les Rose-Croix sont des « amoureiux de la sagesse ». Mais qu'est-ce que la sagesse ? Bien qu'il n'en existe aucune de finition dogmatique, je dirai simplement qu'elle correspond a I’etat de conscience de toute personne qui exprime dans son comportement les vertus que Ton prete a l'ame humaine, dans ce qu'elle a de plus divin. Dans 1'absolu, est done sage celui qui a eveille en lui la patience, la tole rance, 1‘humilite, la generosite. le cou rage. la bienveillance, la non-violence et autres qualites que 1'on attribue a 1'intel ligence du cceur. Autant dire qu'il y a peu de Sages parmi les homines... Etant convaincus que le but de tout etre humain est de se parfaire, les Rosicruciens s'efforcent done de devenir meilleurs, non seulement pour leur bien-etre personnel, mais egalcment pour celui des autres. Comment ? En pratiquant I'alchimie spirituellc, laquelle consiste a transmuter chacun de nos defauts en sa qualite opposee. Comme vous l'aurez compris, cette forme d'alchimie est la contrepartie spirituelle de I'alchimie materielle que pratiquaient les Alchimistes du MoyenAge, et dont le but etait de transformer les metaux vils en metaux precieux, notamment en argent et en or. Mais si la definition premiere du mot «- philosophic » est « amour de la sagesse », elle est parfois definie comme etant la « science de la vie ». La encore, cette definition s'applique parfaitement au Rosicrucianisme, en ce sens que
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OMT
P h il o s o p h iq u e
Sigle de l'A .M .O .R .C . depuis 1909, avec le nom de I'Ordre 4crit en latin (A nti qu us M ysticu sque Or do Rosae Crucis)
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DOSSIER tuaires. Pour reprendrc les propos dc Francois Jollivet-Castclot. eminent Rosicrucien du X X Csiecle. elle est « le Grand Livre de Dieu ».
M y s t iq u e Nous avons vu precisement on quoi 1'A.M.O.R.C. est un mouvement philosophique, initiatique et traditionnel. Mais a plusieurs reprises, j'a i egalement em ploye le mot «■mystique ». Ceci merite un bref commentaire. Dans le langage courant, ce mot est souvent utilise d’ une maniere pejorative pour designer une personne dont on juge 1'ideal ou le comportement mysterieux, etrange, insolite, voire marginal. Pourtant, ce terme designe simplement un individu qui s'interesse aux « mysteres de la vie », au sens traditionnel de cette expression. Par ex tension. le mysticisme n'est rien d'autre que la « science des mysteres », la encore au sens traditionnel. A ce propos, on peut citer un extrait du discours que Margue
rite Yourcenar presenta lorsqu'elle fut nominee a I' Academic frangaise. Parlant de celui auquel elle succedait, voici ce qu'elle declara : « Le voici done parvenu, et ce n ’est pas sans timidite qu V/ / avoue, a une mystique de la matiere. Je crois sentir dans cette timidite ieffet de deux etats d'esprit souvent presents chez l % in tellectuel de type purement rationaliste. et peut-etre surtout en France, I 'un. une crainte presc/ue superstitieuse du mot "mystique'’, comme si ce mot signifiait autre chose qu ’adepte de doctrines restees plus ou moins secretes ou chercheur de choses demeurees cachees. Et pour tant, nous savons tons que toute pen see profonde reste en partie secrete, faute de mots pour I 'exprimer, et que toute chose nous demeure en partie cachee. Le se cond de ces deux etats d'esprit n 'est autre qu'un certain dedain du mot “ma tiere"', celle-ci etant trop souvent consideree comme la substance a I'etat brut, placee aux antipodes du mot "dme "... ».
E s o t e r iq u e Ce que Ton vient de dire a propos du mot « mystique » me conduit a preciser brievement le sens du mot « esoterique », que j ’ai egalement employe a plusieurs re prises. La encore, on donne souvent a ce terme un sens pejoratif, pour ne pas dire negatif. En realite, il designe une tradi tion, une pratique ou un enseignement qui n*est connu que d'un petit nombre d'individus, non pas parce q u ’il est se cret, mais parce que peu de personnes s*y interessent. Vu sous cet angle, il est vrai que FA.M.O.R.C. est un mouvement eso terique, ce qui explique pourquoi ses membres sont relativement peu nombreux et pourquoi il est peu connu du grand public. A Tinverse, les religions sont dites exoteriques, car elles s’adressent aux masses et sont suivies par de ties nombreux fideles. Cela dit, vous noterez que la plupart d’entre elles ont donne naissance a des courants esoteriques qui leur sont propres et dont le nombre d'adeptes est limite : le Kabbalisme pour le Judaisme, le Johannisme pour le Christianisme. le Soufisme pour Y Islam... Au sens traditionnel. 1'esoterisme n‘a done rien de pejoratif, mais il constitue un domaine de connaissance a part entiere. d'ou l'interet que lui portent d’eminents historiens.
LA ROSE-CROIX «Qui done a marie la r ose a la croix ?», ecrivit Goethe. Nul ne le sait vraiment. Quoi qu'il en soit, e t contrairement a ce que Ton pourrait penser a priori, la R ose-Croix n'est pas un symbole religieux et n'a pas de connotation chr£tienne. La croix represente le c orps ph ysique de rhomme, et la rose son ame qui £ \ j o lue de vie en vie v ers la perfection. Autrement dit, elle symbolise la dualite de V etre humain, vu sous un angle spiritualiste. Dans IA.M.O.R.C., les douze lobes de la cr oix corres pondent aux douze degres de Tenseignement.
U n e F r a t e r n it e m o n d ia l e
Portrait im aginaire de Christian Rosenkreutz
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A la lumiere de ces quelques explications, chacun est a meme de comprendre en quoi 1'A.M.O.R.C. est effectivement un mou vement philosophique, initiatique et tradi tionnel. et meme en quoi il est mystique et esoterique. Mais s’ il ne fallait retenir qu*une seule chose a son sujet, ce serait qu'il est une Fraternite mondiale, composee d'hommes et de femmes de toute race, de toute classe sociale et de toute religion. A une epoque ou I’ individualisme prevaut et ou le nationalisme est encore ties mar que, cette ouverture d’esprit merite d'etre signalee. Par la meme, 1'A.M.O.R.C. demontre son humanisme et sa volonte de contribuer a I'elevation des consciences.
J*
LE MA R T I N I S ME
=S.
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a-t-il le merite, independamment de 1’en seignement qu'il perpetue. d’etre un vecteur de tolerance, d’harmonie et de paix. C'est ce qui a fait dire : « Lame de la Rose-Croixfa il partie de celle, humaniste et spirituelle, de I ’Occident ; elle en est I ’un de ses joyaux etincelant de beaute. d 'amour et de purete ».
R o s ic r u c ie n e t R o s e - C r o ix
Dans ce sym bole qui n'a aucune connota tion religieuse, la croix repr£sente le corps physique de I'hom m e, e t la rose son Qme en voie d e v o lu tio n . Quant aux douze lobes, Us sym bolisent les douze degr£s m ajeurs de l'A .M .O .R.C .
Cola ne vcut naturel lenient pas dire qu’il dctient la Verite el que quiconque suit son enseignement est assure de tout connaitre sur tout et de mener une existence depourvue de tout probleme. Mais au moins
II faut maintenant preciser un dernier point. Comme vous l’avez certainement remarque. je me suis refere tantot aux Rose-Croix. tantot aux Rosicruciens. En rcalite, ces deux termes ne sont pas synonymes dans la Tradition rosicrucienne. Si Ton veut etre precis, le mot « Rosicrucien » designe un membre de l'A.M.O.R.C.. el d'une maniere generate un etudiant du Rosicrucianisme. Quant au mot « Rose-Cmix », il s'applique en principe a tout Rosicru cien qui a atteint la sagesse, au sens que nous avons defini precedemment. Dans l’absolu, un Rose-Croix est done un etre, sinon parfait. du moins proche de l’etat de perfection, tel qu’on peut 1’exprimer sur le plan humain. Tout comme il y a ties peu de Sages parmi les hommes, vous comprendrez qu’il y ait tres peu de Rose-Croix veritables... Pour clore cette presentation de
l'A .M .O .R.C ., j ’aimerais tout simplement citer 1’extrait d’ un texte de Comenius, celebre Rosicrucien du X V IIC siecle, considere de nos jours comme le Pere spirituel de l ’U.N.E.S.C.O. Cette ci tation resume parfaitement ce qu’a toujours etc 1’ideal Rose-Croix : « Nous voulons que tons les etres hitmains, ensemble ou pris isolenient, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, no bles ou roturiers, hommes ou femmes, puissentpleinement slnstruire et devenir des etres acheves. Nous voulons qu'ils soient ins fruits parfaitement et formes, non settlement sur tel ou tel point, mais egalement sur tout ce qui permet a I 'homme de realiser integralement son essence, d 'apprendre a connaitre la Ve rite, a ne pas etre trompe par des fauxsemblants, a aimer le bien et a ne pas etre seduit par le mal, a faire ce qu 'on doit faire et a se garder de ce qu 'il faut eviter, a parler sagement de tout avec tout le monde ; enfin, a toujours trailer les choses, les hommes et Dieu avec pru dence et non a la Iegere, et a ne jamais s'ecarter de son b u t: le bonheur ».
Serge Toussaint Grand Maitre de l'A .M .O .R.C . et de
ro.M.T.
Bibliographie Etu d es : ACTUALITY DE L’ HISTOIRE, numero special: Fratic-Magonnerie et Martinisme, mai 2002. DACHEZ. Roger : L'invention de la Franc-Maconnerie, Vega. 2008. *
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dans leur premiere propriete, vertu et puissance spirituelle divine Le "Trait6 sur la reintegration» est I’un des livres essentiels de I’esoterisme occidental. C’est aussi le texte fondamental du Martinisme, une tradition qui s'interesse au mysticisme judeochretien. II traite des origines de la Creation et du role des etres qui I’habitent: anges et hommes. D’une maniere generate, ce livre montre la voie que I’homme en exil dans le monde materiel doit suivre pour reintegrer I’lmmensite divine. Realisee par Robert Amadou d ’apres le manuscrit personnel de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), cette publication est la premiere edition authentique du celebre Traite de Martines de Pasqually (17277-1774). II comporie un guide de lecture (table analytique), ainsi que des index qui en facilitent la lecture et I’etude. En outre, cette edition est actuellement la seule a integrer le “ Tableau Universe!**. cl6 indis pensable a sa comprehension.
Traite sur la reintegration des etres dun* leur pmnii n proprklt*. virtu el puisMince spirihidlt* divin?
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Les voies de la sagesse CEuvres posthum es
«Les voies de la sagesse» regroupe quatre textes de Louis-Claude de Saint-Martin. Contrairement aux autres livres du «Philosophe lnconnu», ces textes n’etaient pas destines au grand public, mais a ses freres martinistes des Loges £lus-Cohens.
Les voies de la sagesse (Euvres posthumes
Ce livre aborde directement la philosophie et la cosmogonie martinistes. II est fondamental pour comprendre la doctrine de la Reintegration, laquelle concerne I’exil de I’homme et son retour vers le Divin. Saint-Martin evoque egale ment dans ce livre le role des etres qui peuplent les differentes spheres de la Creation : mondes terrestre, celeste et surc6leste.
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